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qui en reviennent la cognée sur l’épaule. Un long attelage de bœufs conduit avec peine, suspendu à un diable, un madrier énorme qui atteint jusqu’à vingt mètres de longueur sur un mètre d’équarrissage. Sur le seuil de sa porte, une concessionnaire berce un petit enfant avec un refrain de la patrie. À droite de Saint-Laurent, à mi-chemin environ des deux centres, est la scierie mécanique, où l’on débite en planches les madriers ayant quelques défauts. Là se trouve aussi l’usine à sucre à laquelle on a aujourd’hui renoncé, et la briqueterie qui permet d’utiliser une terre abondante donnant sur place des matériaux commodes pour les constructions.

Outre les centres principaux, on a dû établir des chantiers secondaires, les lieux d’exploitation étant trop éloignés des pénitenciers. On a ainsi fondé Saint-Pierre et Sainte-Anne.

L’exploitation des grands bois présente de plus sérieuses


Route entre les pénitenciers. — Dessin de Riou d’après une aquarelle de M. Rodolphe.


difficultés qu’on ne l’avait cru d’abord. Cette puissante végétation guyanaise ressemble parfois à ces gens qui parlent beaucoup et qui ne disent rien ; au milieu de ce flux de paroles, il y a bien des mots inutiles. Les arbres ne croissent pas par familles dans la forêt ; toutes les essences s’y confondent, et il faut démêler le bon grain de l’ivraie. Pour un bon arbre à abattre, il faut quelquefois en renverser cinquante, il faut jeter à terre bien des victimes vulgaires pour se frayer un passage jusqu’aux rois de la forêt. Dépense de temps, dépense de bras, toutes choses de la plus grande importance.

De plus, rien ici ne guidait l’expérience. La tradition n’existait pas. On sait de quel soin est entourée, en Europe, l’exploitation forestière. L’arbre n’est coupé qu’à une certaine phase de la lune, à un certain âge, à