Page:Le Tour du monde - 13.djvu/305

Cette page n’a pas encore été corrigée


L’entrée de la rivière Maroni vue du large. — Dessin de Riou d’après M. Bouyer.


VOYAGE DANS LA GUYANE FRANÇAISE,


PAR M. FRÉDÉRIC BOUYER, CAPITAINE DE FRÉGATE[1].


1862-1863. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.




Le Maroni. — Ses rives. — Leurs productions et leurs habitants. — Indiens galibis.

L’arrivée du courrier, sur les pénitenciers, est toujours un événement. C’est un mouvement, une agitation générale qui se reproduit deux fois le mois. Après le départ du navire, qui ne reste d’habitude que quelques heures, tout rentre dans le calme d’une vie d’ennui pour les fonctionnaires isolés de toute distraction.

À huit heures du soir l’Alecton quitte les Îles du Salut, et fait route vers le Maroni. Le lendemain, au lever du jour, nous sommes à l’entrée de cette rivière, limite de la Guyane française et de la Guyane hollandaise.

L’entrée du Maroni est par 5° 56’ de latitude nord et par 56° 50’ de longitude ouest.

La création de la colonie pénitentiaire remonte seulement au mois d’août 1857. Voyons, sans suivre pas à pas ses développements successifs, où elle en est arrivée aujourd’hui.

À partir de son embouchure, le Maroni offre plusieurs criques qui semblent profondes ; mais ces criques ne sont à vrai dire que le fleuve lui-même. Elles enserrent des îles de palétuviers noyées à la haute mer. Ce n’est qu’à une vingtaine de milles de l’embouchure que le sol se raffermit et permet la culture sans nécessiter un travail de drainage et de dessèchement. Le palétuvier vient encore baigner ses racines à la mer, et envahit le rivage ; mais la plage est sablonneuse, et derrière ce rideau d’arbres peu profond, on trouve la terre-haute dont la fertilité n’est pas invariablement la même, mais qui laisse le choix des cultures.

À la pointe Bonaparte, lieu choisi pour le berceau de la ville future, il n’y avait qu’un carbet d’Indien ; au lieu où se trouve actuellement l’usine, il y avait quelques familles indiennes. Mais à part l’étroit défrichement fait par ces indigènes, qui vivent un jour là et le lendemain ailleurs, sans autre guide que leur caprice, à part cet abattis insignifiant, la forêt étendait partout son niveau de verdure. Tout était à faire ; mais dans ces bois eux-mêmes, qui nous disputaient le sol, se trouvait l’élément de nos constructions, la carrière d’où devaient sortir nos édifices, et la source future d’un puissant commerce.

Comme abord, comme navigation, le Maroni est d’un accès plus facile que l’Oyapock. Il reçoit des navires d’un tonnage beaucoup plus fort. Son cours, plus uniforme, ne présente ni les mêmes sinuosités ni les mêmes dangers, et les roches peu nombreuses qu’on y rencontre peuvent être facilement évitées. Il est vrai de dire que sa vue ne séduit pas comme celle de l’Oyapock. Point de ces collines, de ces gorges baignées d’ombre et de lumière, où le carbet sauvage se présente à l’œil d’une façon si pittoresque, avec son abri de palmiers et de bambous ; mais il faut se défier de ces mises en scène de la nature qui souvent nous abusent par un pompeux étalage.

Le Maroni admet des bâtiments de 5 mètres de tirant d’eau. Ils n’ont point de grandes manœuvres à faire, attendu que le chenal longe toujours la rive française, et que la brise de terre ou la brise du large leur est alternativement favorable pour l’entrée ou pour la sortie.

  1. Suite. — Voy. pages 273 et 289.