bla la solennité terrible de cet acte de justice par aucun cri, par aucune manifestation scandaleuse.
Le nom du Rongou restera toujours à la Guyane comme un sinistre épouvantail. Amplifiée par l’imagination populaire, son histoire sera le sujet de terribles récits, et plus d’une femme attardée dans les bois qui furent le théâtre de ses crimes, hâtera instinctivement sa marche de peur de voir apparaître à ses yeux le sinistre fantôme.
L’effectif actuel de la transportation à la Guyane, en y comprenant les repris de justice et les libérés astreints à la résidence, est de sept à huit mille. Les envois annuels de France ne font guère que remplacer les vides que les évasions, les libérations et la mortalité opèrent dans les rangs des condamnés. C’est un mouvement de cinq à six cents individus par an.
En dehors de tous ces établissements disséminés, il fallait faire choix d’un lieu susceptible d’extension indéfinie, afin d’y fonder la colonie pénitentiaire agricole, but principal de l’œuvre et dont les autres points devaient fournir les éléments.
Pénitencier flottant. — Dessin de Riou d’après une aquarelle de M. Touboulic.
Il paraissait facile d’après la nature des lieux et le faible chiffre de la population de diviser la Guyane en deux parties distinctes : la terre des gens libres et la terre de la transportation. Mais l’embarras était de savoir quel était le point le plus convenable à l’établissement de la transportation, car il y avait à choisir entre le pays que l’île de Cayenne laissait au Nord ou celui qu’elle laissait au Sud.
Chacune des deux régions avait également son cours d’eau, son grand fleuve, le Maroni et l’Oyapock. Toute la question était de savoir s’il valait mieux se rapprocher du Brésil que se fixer près de la Guyane hollandaise, si les rives de l’Oyapock présentaient plus de chance de succès que celles du Maroni. La question ayant été résolue en sens contraire, il y avait encore à choisir entre deux systèmes. On pouvait marcher de Cayenne sur le Maroni ou bien du Maroni sur Cayenne ; prendre Kourou pour point de départ, ou placer dans le Maroni même le berceau de la société future. Cette préférence semble dès aujourd’hui justifiée. C’est donc sur les bords du Maroni que vont se traiter désormais les deux grandes questions de la résurrection de l’agriculture coloniale, au moyen de travailleurs blancs, et de la moralisation des transportés par le travail. Tout l’avenir de la Guyane est là.
Je ne veux pas écrire l’histoire successive et détaillée des divers établissements pénitentiaires de la colonie ; je me bornerai simplement à dire le nom et la spécialité de chacun d’eux.