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mites des Guyanes ; mais cette fiction séduisante attira vers cette contrée, jusqu’alors inexplorée, des milliers de chevaliers errants, dont la vaillance et l’audace n’ont pu mettre à fin l’entreprise, ni détruire l’enchantement qui dérobe aux regards le lac Parimé et la ville de l’Or.

Toutefois la poursuite de cette merveilleuse chimère ne fut pas entièrement abandonnée, et elle a conservé des adeptes jusqu’à nos jours.

L’illustre Walter Raleigh, ce galant favori de la reine Élisabeth, fit dans l’Orénoque plusieurs voyages infructueux pour pénétrer au foyer de tant de richesses. Un autre Anglais, Keymis, fit en 1596 une expédition qui ne fut pas plus heureuse.

Ce voyageur s’était dirigé vers l’Oyapock où il supposait que se trouvait la ville de l’Or, qu’il ne put atteindre. Il nous apprend que dès cette époque, les Français allaient à la Guyane pour y chercher des bois de couleur.

L’opinion de Keymis, sur la position de l’Eldorado, est adoptée par un des gouverneurs de Cayenne, M. d’Orvilliers, qui, en 1720, envoie un détachement dans le Camopi, principal affluent de l’Oyapock. Ce détachement met six mois à faire son voyage et, au lieu d’or, rapporte des échantillons de cacao, pris dans une vaste forêt de cacaoyers sauvages.

Il y avait là une haute leçon et un ingénieux apologue. En effet, la mine la plus riche, la plus féconde de la Guyane, c’est l’agriculture. C’est le trésor dont parle le fabuliste, éternelle vérité qui montre la fortune dans le travail. Les baumes, les essences, les bois d’ébénisterie et de construction, en un mot le règne végétal et ses mille produits, voilà les vrais trésors d’un Eldorado réel, à la portée de tout courage et de toute persévérance.

Le premier point de la Guyane où l’Alecton jetait l’ancre était aux îles du Salut.

Les îles du Salut forment un groupe de trois îlots situés à neuf lieues dans le nord-ouest de Cayenne, en face de la rivière de Kourou dont elles sont distantes de trois lieues environ.

La principale se nomme l’île Royale, la seconde l’île Saint-Joseph et la dernière l’île du Diable, nom sous lequel l’archipel était connu jadis jusqu’au moment ou l’on jugea convenable de lui donner une appellation moins effrayante.

La France venait de perdre le Canada et la plus grande partie de ses possessions du nord de l’Amérique ; on résolut de coloniser la Guyane sur une large base, afin de regagner dans un hémisphère ce qu’on avait perdu dans l’autre.