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de l’Oyapock au Maroni ; la Hollande, du Maroni au Corentin ; et l’Angleterre enfin, du Corentin à l’Orénoque.

Ces quatre Guyanes, brésilienne, française, hollandaise, anglaise, formaient jadis une seule colonie appartenant à la France, et qui s’est appelée la France équinoxiale ; mais les malheurs de nos guerres maritimes et les fautes de nos gouvernements ont fini par réduire des deux tiers notre ancien territoire colonial, et les puissances rivales ont profité de nos désastres pour se faire leur part dans ce domaine immense, choisissant de préférence les provinces les mieux disposées pour le commerce et la colonisation.

Christophe Colomb eut le premier connaissance des Guyanes, lorsqu’à son troisième voyage, il aborda vers les bouches de l’Orénoque, en 1498.

Alphonse d’Ojéda et Jean de la Cosa atterrirent au même point un an plus tard ; mais les uns et les autres continuèrent leur route vers le nord ; aussi peut-on attribuer justement tout l’honneur de la découverte de la Guyane à Vincent Yanes Pinçon, qui n’y aborda cependant qu’après ces premiers explorateurs.

Ce Vincent Yanes Pinçon et ses deux autres frères, avaient été les compagnons de Colomb, lors de son premier voyage. Enhardi par le succès de la première entreprise, Vincent Pinçon tente l’aventure pour son propre compte, et part de Palos, au commencement de décembre 1499, avec une flottille de quatre caravelles.

Après avoir touché aux Canaries et aux îles du cap Vert, il fait route au sud-ouest, passe l’équateur et perd de vue l’étoile polaire, ce qui déroute singulièrement ses habitudes nautiques. Ayant cependant continué bravement son chemin, il reconnaît le continent américain le 20 janvier 1500, vers le cap Saint-Augustin.

Il suit la côte pour chercher à entrer en relation avec les naturels ; il mouille dans une baie, et expédie ses embarcations à terre. Elles sont attaquées par les Indiens qui leur tuent une dizaine d’hommes.

Pinçon s’empresse de quitter cette plage inhospitalière, et après quarante lieues de navigation, faites sans perdre la terre de vue, il repasse l’équateur et trouve l’eau de la mer si douce qu’il en remplit ses futailles. Surpris de ce phénomène, il s’approche de terre et mouille près d’un groupe d’îles verdoyantes placées à l’entrée d’une rivière dont l’embouchure avait plus de trente lieues de largeur, et dont les eaux pénétraient à quarante lieues au large avant de perdre leur douceur.

Il éprouve à ce mouillage un phénomène de courants et de marées qui met ses navires dans le plus grand péril.

Remettant rapidement sous voiles, il gagne la haute mer en doublant un cap, revoit l’étoile polaire, et continue à côtoyer le continent pendant 300 lieues environ. Il arrive à l’Orénoque, et touche encore en quelques points sur lesquels il oublie de nous laisser d’intéressants détails.

Quand on suit, la carte à la main, l’itinéraire du voyageur espagnol, on penche à croire que le point où il a subi l’agression des sauvages doit être la baie de Cayèté, et que la grande rivière dont il parle est le fleuve des Amazones. En effet, quarante lieues séparent ces deux points, et le fleuve des Amazones réunit seul, dans ces parages, les particularités sur lesquelles Pinçon s’appesantit, c’est-à-dire, de modifier l’amertume de la mer à une grande distance, d’avoir à sa large embouchure un groupe d’îles verdoyantes, enfin d’être soumis à ce dangereux phénomène de marée, connu sous le nom de Prororoca.

Il semblerait donc rationnel de placer dans l’ouverture de l’Amazone même, cette baie ou cette rivière de Vincent Pinçon qui, diversement placée sur les anciennes cartes, oubliée par les uns, méconnue par les autres sert cependant de base à un traité sur les limites. Il faut dire en effet que cette difficulté géographique, non résolue jusqu’à ce jour, a amené entre le Portugal, le Brésil et la France, des échanges de notes officielles et de protocoles, de traités ébauchés et de conventions avortées, qui ont usé, depuis le traité d’Utrecht, plusieurs générations de diplomates.

Je reviendrai plus tard sur ce procès de mur mitoyen qui est encore entre les mains des juges, et qui sera peut-être tranché brutalement quelque jour, comme tous les nœuds gordiens que la légalité ne peut débrouiller.

On sait que les aventuriers qui envahirent l’Amérique centrale au commencement du seizième siècle, s’attachèrent surtout à la conquête des grands empires du Mexique et du Pérou, et laissèrent de côté les plaines marécageuses, les forêts impénétrables de la Guyane qui ne passaient pas pour recéler de l’or, unique objet de l’éternelle convoitise.

À côté de la réalité, déjà splendide, la fiction ne tarda pas à apporter ses exagérations et ses fables.

Sur le rapport d’un prisonnier, Gonsalo Pizarre, frère du conquérant du Pérou, se met à la recherche d’un grand prince qui était couvert d’or, de la tête jusqu’aux pieds. La poudre d’or était fixée sur sa peau au moyen d’une résine odoriférante. La haute température du pays autorisait ce genre de vêtement ; mais il paraît qu’il était peu commode pour le sommeil de la nuit ; car, suivant la chronique, le prince s’en débarrassait chaque soir par un bon bain, et comme sa garde-robe était fort riche en ce genre d’étoffe, il s’habillait de neuf chaque matin. On l’appelait El Dorado, l’homme doré, et par suite, le pays que gouvernait ce prince métallique, prit le nom d’Eldorado.

Il est avéré que les Indiens se fixent parfois des paillettes de mica sur quelques parties du corps, sur le front et dans la chevelure. Cette ornementation brillante, usitée encore de nos jours, doit découler d’une mode ancienne.

Les États du monarque étaient à l’avenant de la livrée royale. L’homme d’or, le roi resplendissant, habitait une ville aux palais de métal. Autour de cette fantastique cité, la terre avait jeté sans ordre les pierres les plus précieuses de son écrin, et le lac Parimè, du sein duquel sortait la capitale de l’Eldorado, roulait ses ondes sur des perles ; les cailloux étaient des diamants.

Hélas ! Pizarre ne trouva pas le chemin de cet éblouissant royaume, que l’on croyait situé vers les li-