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L’Alecton. — Dessin de Riou d’après une aquarelle de M. Rodolphe, enseigne de vaisseau.


VOYAGE DANS LA GUYANE FRANÇAISE,


PAR M. FRÉDÉRIC BOUYER, CAPITAINE DE FRÉGATE.


1862-1863. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.




Départ de Toulon. — L’Alecton. — La mer. — Les côtes d’Espagne. — L’Océan. — Le poulpe géant.

L’Alecton est un joli aviso à vapeur de la force de 120 chevaux, long comme une frégate, étroit comme une yole. Il est en bois, à roues à aubes, à cylindres oscillants ; il a été construit, coque et machine, par la compagnie industrielle des forges et chantiers de la Méditerranée.

Ce n’est pas un marcheur de première force ; ses 120 chevaux ne sont pas des plus fringants ; mais son allure est satisfaisante, douce et modérée, et s’il se ménage, c’est sans doute pour mieux fournir une longue carrière.

Alecton, sa patronne, est, comme on le sait, la première de ces trois furies dites par antiphrase Euménides, et qui avaient pour mission dans la théogonie païenne de taquiner les humains dans ce monde et de leur être particulièrement désagréables dans l’autre. Oreste eut de vilains rapports avec ces dames qui se coiffaient de couleuvres ; il est vrai qu’il le méritait quelque peu, et que de nos jours, il eût été traduit à un autre tribunal que celui de sa conscience.

Les bâtiments à vapeur ont quelque chose de surnaturel et de fatal dans leur essence. Le noir panache de fumée qui les couronne, le foyer générateur de l’élément vital qui circule dans leurs veines de cuivre, tout donne une figure diabolique à ces étranges créations du génie de l’homme.

Dans ce bas monde, on est, plus ou moins, l’esclave de son nom ; aussi l’Alecton a-t-il été tout naturellement désigné pour la station navale de Cayenne, un pays où la France a depuis quelques années établi une colonie pénitentiaire.