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correspondance, si remarquable pour l’élégance de la forme et la pureté de la langue, la place au premier rang parmi les écrivains de son siècle, qui est pourtant celui de Boccaccio. Mais ce grand maître est bien loin d’avoir la touchante simplicité et la grâce toute naturelle qui nous rendent si chers les écrits de la sainte.

Ce fut la république qui, pour s’honorer elle-même dans cette grande citoyenne, ordonna, vers la moitié du quinzième siècle, de transformer en oratoire la boutique de Jacques Benincasa et la maison où sa fille était née. Cette élégante petite église est décorée d’œuvres d’art choisies. Urbano da Cortona a sculpté le portrait de la sainte qu’on voit sur la porte ; mais nous en indiquons un autre qui offre plus de garanties de ressemblance. À l’intérieur, on trouve profusion de peintures ! Le Sodoma, Jérôme Pacchiarotti, le Riccio, Folli, Vanni, Salimberi, Sorri, Casolani ont tous contribué à faire de ce petit sanctuaire un véritable musée.

Sainte Catherine n’était âgée que de trente-trois ans lorsqu’elle mourut à Rome, en 1380. Il ne déplaira peut-être pas au lecteur français que nous ajoutions, à titre de dernier renseignement, que sa famille était originaire de France, d’où l’un de ses ancêtres, gentilhomme nommé Tiezzo ou Teuccio, était venu s’établir à Sienne.

Ce lourd et sévère bâtiment en briques rouges, placé au sommet de la colline au pied de laquelle est Fonte Branda, flanqué de sa tour crénelée et qui a plutôt l’air d’une forteresse que d’une église, est l’église de Saint-Dominique, qui existait déjà en 1225 : la tour a été bâtie plus tard, en 1340.

En entrant dans ce temple, on est frappé du caractère simple et imposant de son architecture. Saint-Dominique a un air grave et recueilli qui manque à la cathédrale ; c’est une église où l’on peut prier sans que les chefs-d’œuvre trop nombreux s’interposent, comme des distractions, entre les fidèles et la Divinité. Ce n’est pas toutefois qu’ici les ouvrages d’art fassent absolument défaut. Dans la chapelle de droite se trouve le portrait authentique de sainte Catherine de Sienne, peint par Andrea di Vanni, contemporain et ami de la sainte. Cet artiste, l’un des meilleurs de son temps, était aussi homme d’État, et, en 1368, il fut porté par une révolution populaire à l’une des premières charges de la république. Le Christ, placé au-dessus de la porte et qu’on a longtemps attribué à Giotto, a été peint par Sano di Pietro, le Beato Angelico de l’école siennoise.

Dans une autre chapelle (la seconde à droite du maître-autel) on voit un tableau célèbre qui est de grande importance dans l’histoire de l’art : c’est une Madone, au pied de laquelle on lit le nom de Guido da Siena et la date M.CC.XXI. Sur cette date erronée, on fondait l’opinion que l’école siennoise avait précédé la Florentine. Mais il est désormais établi que cette peinture date de 1281 et est due à Guido di Graziano, contemporain de Cimabue, et qu’on peut regarder comme le véritable Fondateur de la scuola sanese (école siennoise).

La chapelle de Sainte-Catherine, dans laquelle on conserve la tête de la sainte, doit plus encore sa célébrité aux merveilleuses fresques du Sodoma. Ces trois tableaux, et particulièrement le plus renommé, celui de « l’Extase, » sont considérés comme les chefs-d’œuvre de ce grand maître. C’est encore lui qui a décoré le haut de la voûte ; les autres peintures sont de Vanni et de Folli.

Les Siennois ont aussi placé dans cette église une table de bronze sur laquelle sont gravés les noms de leurs concitoyens tombés devant Mantoue dans la guerre de 1848, voulant ainsi mettre la mémoire des martyrs de la patrie sous la protection des autels. Nous ignorons cependant si la sainteté du lieu a pu sauver de l’outrage du soldat étranger ce pieux monument, et s’il a été plus heureux que les tables florentines, qui, du temps de l’occupation autrichienne, furent enlevées de l’église de Santa Croce et enfermées dans la Fortezza da Basso. Heureusement il est impossible de confisquer aussi l’histoire.

Un tombeau fait face à la porte. Il mérite d’attirer l’attention aussi bien par sa valeur artistique que par le nom de l’homme savant et intègre à qui Sienne l’a élevé. Nous voulons parler du professeur Pianigiani, auquel la ville doit le chemin de fer qui la relie à Florence, et dont on avait longtemps considéré l’exécution comme impossible. Ce chemin, qui témoigne des talents et du courage de son auteur, doit se prolonger jusqu’à Rome ; mais Pianigiani n’eut pas le bonheur d’achever sa grande entreprise : il mourut, jeune encore, en 1850.

Le monument consacré à sa mémoire, dessiné et commencé par Beccheroni, de Sienne, fut achevé, après sa mort, par Sarrocchi.

Presque en face, on lit une modeste inscription en commémoration d’un jeune peintre siennois, Angelo Visconti, qui promettait de devenir un grand artiste et qui mourut noyé dans le Tibre en 1861.

Le cloître attenant à l’église a été habité par saint Thomas d’Aquin, l’angélique ou le prince des écoles, l’auteur de cette œuvre colossale qu’on appelle la Summa theologica, et qui, avec un autre grand Italien, S. Bonaventura da Bagnorea, a illustré la glorieuse Université de Paris, où rayonnait au treizième siècle le foyer des sciences de la théologie et de la philosophie, alors confondues en une seule.

Un autre illustre contemporain de saint Thomas, comme lui professeur de théologie à Paris, a habité ce couvent où reposent aussi ses cendres : c’est Ambrogio Sansedoni, de Sienne, qui, pendant trente ans, enseigna à Paris, à Cologne, à Rome, mais qui doit surtout sa célébrité à la sainteté de sa vie. Pour notre compte, nous l’aimons, et nous ne visitons jamais le cloître de Saint-Dominique sans donner un souvenir d’estime et de respect à sa sépulture oubliée.

Qu’il nous soit permis de faire connaître la cause de notre sympathie. — C’était en octobre 1268 ; l’infortuné Conradin de Souabe, battu à Tagliacozzo, errant déguisé dans les landes de la Maremme, était tombé aux mains de ses persécuteurs acharnés ; ses ennemis élevaient au ciel des hymnes de triomphe, tandis qu’à Naples se