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mestique, il arriva au Tekké un agent secret de mes amis les Européens de Méched qui devait chercher à négocier mon rachat. Mais, seul et étranger, rien ne lui était possible, et il fut obligé de retourner à Méched où il ne porta que des renseignements.

Alors l’aga confia à des marchands persans de Méched le soin de traiter de mon affaire. Ces marchands supposèrent qu’il y avait là pour eux l’occasion de réaliser un bénéfice considérable ; mais pour cela, il fallait qu’il y eût à négocier sur une forte somme. Ils commencèrent donc par relever mon importance, en écrivant que les Européens de Méched se donnaient beaucoup de peine dans cette ville pour trouver l’argent de ma rançon, et que le schah avait donné lui-même des ordres pour mon rachat. La lettre fut mise en circulation, et à dessein, par un des associés des marchands persans. Elle fut lue et relue avec avidité en ma présence, et mes Turcomans élevèrent leurs prétentions d’une manière exagérée. Par suite, il se passa un mois en pourparlers, et le gouvernement persan, voyant une somme considérable à débourser et des ruses à déjouer, ne voulut plus s’occuper de moi. Alors n’espérant plus d’issue prochaine, je résolus de tenter une évasion.

J’étais gardé à vue nuit et jour. Les chevaux, dans mon voisinage, étaient entravés et cadenassés. Ce qu’il y avait de pire, aucun Turcoman ne se serait chargé


Gorge et forteresse d’Arderbend. — Dessin de A. de Bar d’après un croquis de M. de Blocqueville.


loyalement de faciliter ma fuite. Rien de plus facile que de trouver un Turcoman qui, moyennant une somme qu’on lui paye d’avance, feint de se faire votre complice ; mais, une fois en fuite, lorsqu’on est arrivé à une certaine distance, le Turcoman, sous un prétexte quelconque, s’arrête, laisse marcher devant lui le fugitif, lui brûle la cervelle ou le poignarde, le dépouille complétement, et s’en retourne tranquillement chez lui.

Si, par prudence, le prisonnier ne promet au Turcoman de le payer qu’une fois arrivé à destination, le Turcoman va dans la direction d’une autre tribu, où il tient sa dupe cachée, jusqu’à ce que le crieur vienne demander si par hasard on n’a pas trouvé un prisonnier de tel signalement et qui s’est évadé tel jour. Alors le Turcoman va trouver le crieur et lui dit qu’il sait où se trouve l’individu et qu’il indiquera sa retraite si on lui donne telle récompense. Le marché conclu, le fugitif est reconduit chez ses maîtres qui le maltraitent, lui mettent une paire d’entraves, quelquefois trois, dans la serrure desquelles on coule du plomb, et de plus, une pièce de bois d’une quinzaine de kilos où la jambe se trouve prise au-dessus de la cheville et qu’on est obligé de tenir suspendue, au moyen d’une corde, lorsqu’on veut marcher.

Après beaucoup de recherches secrètes, je finis par trouver un marchand de Boukhara qui se chargea de