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dans la ceinture. Au lieu de porter le sabre autour du corps, ils le portent sur le dos, afin de n’être pas gênés dans leurs mouvements.

Tous combattent sans ordre de marche, mais avec intelligence ; ils ne s’exposent pas inutilement, évitent le combat autant que possible et agissent surtout en harcelant et par embuscades.

Lorsqu’ils sont obligés de repousser une attaque ou de défendre une position, ils poussent des cris étourdissants et lancent de la poussière en l’air ; ils s’avancent comme au milieu d’un nuage, ce qui fait croire souvent à un nombre considérable d’assaillants tandis qu’il ne s’agit que d’un groupe de trois à quatre cents hommes. Cette manière de combattre leur réussit assez avec les Persans.

Chaque tribu nomme, indépendamment du kedkouda, un chef de guerre, serdar (qui tient la tête), et ses ordres sont exécutés lorsqu’il est appelé à un coup de main. Du reste, tout individu peut être serdar, ne fût-il choisi que par une dizaine d’hommes. Il y en a dont le courage et l’habileté sont généralement reconnus et respectés. À l’époque ou j’étais chez les Tekkés, deux serdars jouissaient d’une grande réputation comme guerriers et maraudeurs, Méhémed-Cheik et Aman-Seid.

Voici comme ils procèdent dans leurs expéditions. Un serdar fait prévenir par le crieur que tel jour il sortira de son campement et qu’il se tiendra, dans tel lieu, prêt à partir en maraude le lendemain. Selon son plus ou moins de réputation, il rassemble plus ou moins d’hommes, et, à l’heure fixée, il se met en route, suivi de ses compagnons qui ignorent son plan et ne savent même pas de quel côté ou sur quel territoire il va les conduire. Lorsqu’il le juge à propos, le serdar indique ce qu’on doit faire et chacun prend ses dispositions, soit pour l’attaque d’une caravane, soit pour la surprise d’un village ou l’enlèvement de troupeaux. Dans ces sortes de maraudes, les Turcomans enlèvent tout ce qu’ils peuvent ; tout ce qui résiste ou ne peut être emporté est massacré ou détruit.

Le serdar a une part du butin plus forte que tous les autres. Si le partage soulève des difficultés, le butin est vendu et l’argent partagé.

Lorsque les maraudeurs reviennent avec leurs prises, ils ne manquent jamais d’arriver en poussant des hourras et en tirant des coups de fusil. Les parents, les amis sortent, vont au-devant d’eux ; les parents de ceux qui ont été tués dans l’action rentrent et pleurent pendant un certain temps, comme si le mort était dans la tente.

Il ne se passe pas de semaine sans qu’il n’y ait des départs ou des arrivées de maraudes ; rarement elles reviennent sans butin.


Agriculture. — Produits. — Troupeaux. — Commerce. — Argent. — Climat. — Aspect de la contrée. — Chasse.

L’agriculture, chez les Tekkés, exige des travaux d’irrigation annuels ; mais le terrain léger et saumâtre de cette contrée est fertile et ne demande que peu de travail et de l’eau pour produire. Le Turcoman se sert d’une charrue légère, dont le soc, en fer, disposé en pointe, est fixé sur le morceau de bois destiné à élargir le sillon. Il tient d’une main, au moyen d’une cheville, la pièce de bois au bas de laquelle sont fixés en même temps le soc et le timon, et il ne fait qu’écorcher la surface. La charrue est ordinairement traînée par deux chevaux dont on entoure l’encolure avec des feutres et sur lesquels on place un joug auquel est attaché le timon. Un homme les dirige par la bride.

La récolte consiste en blé, orge, sorgho blanc et rouge, dont la tige, préalablement hachée, est aussi donnée comme nourriture aux animaux. Comme il n’y a pas assez de place dans les tentes, les grains et la paille sont enterrés dans des silos assez profonds où ils restent. jusqu’à l’hiver, le blé et l’orge étant récoltés en juillet.

Les autres productions sont :

Le maïs en très-petite quantité ;

Le melon de différentes espèces ; on en fait des conserves en laissant dessécher la chair au soleil ;

La pastèque, qui atteint un si grand développement que deux de ces fruits font quelquefois la charge d’un homme. Il y a des pastèques roses, jaunes et blanches : elles sont excellentes et très-sucrées. En poussant la cuisson du jus de la pastèque, les Turcomans obtiennent une sorte de mélasse qu’ils mangent l’hiver ;

La gourde ou coloquinte de plusieurs espèces servant de poire à poudre, de carafe, de narghilè et de cruche à eau ; cette dernière espèce devient énorme et est d’une grande solidité ;

La carotte, qui se mange cuite ou crue ; l’oignon, le piment dont on fait grand usage ; le haricot de la petite espèce, vert, très-dur et cuisant difficilement ; les Turcomans s’en servent aussi comme plomb de chasse ;

Le sésame, dont l’huile sert en même temps à la préparation des aliments et à l’éclairage en hiver. Le gâteau provenant de la fabrication de l’huile sert à engraisser les chameaux.

On ne cultive que ce qui est indispensable à la consommation des habitants, obligés de se grouper dans de certaines limites, afin de se mettre à l’abri des incursions de l’ennemi.

Le bétail, qui n’est relativement pas nombreux, se compose de moutons, de chèvres, de quelques vaches et de chameaux. Les troupeaux sont gardés dans le voisinage des bords du Mourgab, surtout près des endroits où sont les marais.

Avec le lait de leurs troupeaux les Turcomans font du beurre ; le reste, soigneusement égoutté, est préparé en boules, que l’on fait sécher au soleil et qu’en hiver on laisse détremper toutes les fois qu’on en a besoin.

Les laines sont tissées ou servent à faire du feutre ou de la corde. Avec le poil de chameau on fait un tissu serré et fin très-estimé chez les Persans. On teint leurs laines avec des matières venant de Boukhara, telles que la garance et autres.

Le principal commerce étant celui des prisonniers qu’on mène, soit à Khiva, soit à Boukhara, les vendeurs