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même est simplement une gourde. À la partie supérieure, où devrait se trouver le tuyau, deux trous se font face ; sur le premier, on pose les lèvres pour aspirer ; sur le second on appuie un des doigts de la main qui tient l’appareil, afin de boucher ou d’ouvrir ce trou, selon que l’on veut avoir plus ou moins de fumée. Le Turcoman aspire avec précipitation trois ou quatre bouffées ; puis, prolongeant la dernière aspiration autant que ses poumons le lui permettent, il laisse échapper une grande bouffée en passant la pipe à un voisin. Il conserve alors un air absorbé ou d’extase pendant qu’il se tient penché en avant, laisse la salive glisser naturellement entre ses lèvres, et ne reprend qu’ensuite sa position ordinaire.

Le tabac vient de Boukhara ; il est très-fort ; pour le fumer, on le froisse dans la main, on le met dans le fourneau de la pipe et on l’allume, soit avec de l’amadou, soit avec des charbons ardents.

Les femmes, à quelques exceptions près, ne fument pas, tandis que les hommes fument tant qu’ils peuvent et ont toujours sur le côté de leur chemise une poche pleine de tabac. Même la nuit, si le Turcoman est tourmenté par l’insomnie, il se lève et se met à la recherche de tout ce qu’il lui faut pour fumer. Il va dans les tentes où il croit trouver du feu, sans que personne y fasse attention : quelquefois le propriétaire de la tente demande seulement « qui est là », et laisse le visiteur fouiller dans les cendres et fumer sa pipe.

Les Turcomans font aussi une grande consommation de thé, soit après ou entre les repas ; on le boit avec ou sans sucre ; il est de deux sortes : le thé noir ou commun, en brique, que l’on fait bouillir après l’avoir cassé par morceaux, et le thé vert perlé, parfumé et très-fort ; on le fait également bouillir. L’abus de cette boisson occasionne des tremblements à un certain âge.

Beaucoup d’hommes prisent une sorte de tabac fait avec une herbe séchée et pulvérisée que l’on mêle à du tabac ; on y ajoute aussi un peu d’huile de sésame, ce qui lui donne une couleur verdâtre et lie le mélange.

Je reviens aux repas. Souvent on remplace la soupe par une bouillie de haricots, petits, ronds et durs, auxquels on ajoute de la farine, du lait aigre, du sel et du piment, et dont on se sert aussi pour la chasse du menu gibier. Quelquefois encore c’est une bouillie de blé ou de la pâte découpée comme le vermicelle et assaisonnée comme il est dit plus haut.

Lorsque le temps est trop mauvais pour permettre de chauffer le four, on partage la pâte de pain en deux galettes entre lesquelles on met une couche de viande plus ou moins hachée avec des oignons ; on active le feu sous lequel chauffe une certaine quantité de sable où l’on introduit cette espèce de tourte.

Le riz aussi passe pour une friandise. On y ajoute de la viande, de l’huile de sésame, des carottes coupées menu ; du piment, du sel et de l’eau. La pâte frite dans l’huile est aussi très-estimée.

En temps ordinaire, le pain, l’oignon, le lait aigre, le potiron, la pastèque, le melon, forment la base de la nourriture.

On fait fermenter le lait de chamelle dans des outres ou dans des cruches, opération après laquelle il devient limpide, bleuâtre, aigre comme le citron, d’une odeur et d’un goût vraiment désagréables ; ce liquide peut enivrer. C’est la seule boisson fermentée dont les Turcomans fassent usage.

La peau de mouton, lorsqu’elle n’est pas destinée à un usage quelconque, sert aussi d’aliment. On laisse la peau quelques Jours dans un coin pour lui donner le temps de prendre un goût faisandé ; le poil alors s’en arrache facilement et, sans p us de préparation, on la coupe par lanières et on la jette sur les charbons. Dès qu’elle est un peu grillée, car trop cuite elle perdrait sa graisse, on la mange, non sans efforts.

Les femmes sont traitées avec plus d’égards par les Turkomans que par les autres musulmans. Toutefois elles travaillent beaucoup ; chaque jour elles ont à moudre le blé destiné à nourrir la famille. De plus, elles filent la soie, la laine, le coton ; elles tissent, cousent, foulent les feutres, montent et démontent la tente, vont chercher l’eau, lavent quelquefois, teignent les laines ou la soie et font les tapis. Elles installent dehors, dans la belle saison, un métier très-primitif composé de quatre piquets solidement fixés dans le sol et, au moyen de deux grosses traverses sur lesquelles elles disposent la trame, elles commencent le tissage qui est serré avec un instrument en fer formé de cinq ou six lames disposées en peigne. Ces tapis géné-