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quatre ; d’autres eurent le cou fixé dans un demi-cercle en fer rivé à un morceau de bois long d’un mètre et demi environ. Tout ce que ces malheureux pouvaient avoir de vêtements d’un peu de valeur leur fut enlevé : on les couvrit de haillons dégoûtants.

Après ce départ, on m’enleva mes entraves pendant le jour : on me les remit encore pendant quelques nuits ; puis, grâces à Dieu, on ne m’enchaîna plus.

Il m’aurait peut-être été facile de traiter de ma délivrance, si je n’avais eu contre moi les Persans qui n’avaient pas été emmenés et qui, pour se faire bien venir des Turcomans, disaient : « Cet Européen a de l’argent. De plus, nous savons que d’après un contrat passé avec notre gouvernement on doit le racheter à. n’importe quel prix ; ne terminez pas tout de suite avec lui, attendez ; il sera toujours temps. »

J’étais allé déjà chez plusieurs chefs persans, prisonniers comme moi, mais qu’on traitait avec égard parce qu’on était sûr de leur rançon. Je les priai de vouloir bien me racheter comme un de leurs soldats, m’engageant à rembourser le prix à mon arrivée à Méched ; je n’obtins d’eux que des paroles évasives.

Des marchands de Boukhara vinrent aussi me demander si je pouvais me racheter. Ils m’assuraient qu’ils se chargeraient de me ramener à Méched moyennant une rétribution raisonnable : mais je n’ignorais pas


Campement des Tekkés. — Dessin de A. de Bar d’après un croquis de M. de Blocqueville.


qu’ils m’auraient conduit à Boukhara, ce qui n’aurait fait qu’augmenter les difficultés. Du reste d’après mon costume moitié européen, moitié oriental, et mon état pitoyable, ils jugèrent que je ne devais pas avoir grand-chose, et ma figure encore souffrante et fatiguée, mes mains qui ne paraissaient habituées à aucun travail manuel, leur donnèrent à penser que j’aurais été pour eux de peu de profit. Ils offrirent cependant la même somme que pour un soldat. Les Turcomans ne l’acceptèrent pas, espérant en avoir au moins le double, c’est-à-dire quelque chose comme quatre cent soixante-quatre francs de notre monnaie.

J’avais beau dire aux Persans : « Terminez mon affaire, je puis m’en tirer à peu de chose ; du reste, c’est dans l’intérêt aussi de votre gouvernement qui, plus tard, sera obligé de payer ma rançon, car elle deviendra considérable lorsque les Turcomans seront mieux renseignés. » À tous ces raisonnements on me répondait : « Prenez patience, votre affaire s’arrangera et le prix diminuera aussi. »

Je ne fatiguerai pas le lecteur de toutes les tentatives inutiles que je fis pour me délivrer. On verra plus tard comment je fus rendu à la liberté.

Le plus triste de notre situation était que les Turcomans ne nous donnaient presque rien à manger. Outre l’économie, il espéraient ainsi nous forcer à