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Khorassan proprement dit ; car la forteresse de Sarraks, quoique appartenant aux Persans, ne leur donne pas la possession du territoire qu’ils ne peuvent cultiver et sur lequel la garnison ne met le pied que pour faire provision de bois et de vert pour ses chevaux.

Le 1er juin, la colonne de l’armée d’expédition arriva à Serbend (tête de digue), où elle établit son camp. La marche avait été seulement de près de trente farsahks, à partir de Meched.

Anciennement, une partie du Tedjen prenait la direction du nord, et, au moyen de canaux dont les traces existent encore, après avoir arrosé Saraks ancien et ses environs, elle portait ses eaux jusqu’à Coutchacoum.

Le peu de jours que la première colonne passa dans ce lieu, furent employés à la construction d’un barrage, à l’aide d’énormes rouleaux de branches sur lesquelles on posait des couches de pierres et de terre.

Saraks moderne bâtie par les Persans, il y a environ dix ou douze ans, est entourée d’un fossé et de fortes murailles, dont quelques tours sont armées de dix canons.

Le 7 juin, la deuxième colonne arriva et établit son camp près du nôtre. À partir de ce jour nous marchâmes ensemble.

Le 12 seulement, la digue fut terminée. On envoya deux Turcomans-Salors vérifier si l’eau prenait bien la direction qu’on lui avait donnée : les Turcomans ennemis, déjà en observation, tuèrent un de ces hommes, et le second revint blessé.

Le 14, dans la matinée, l’armée passa un gué du Tedjen. On aurait peine à se figurer ce que l’armée traînait


Ruines d’une petite mosquée près de Saraks. — Dessin de A. de Bar d’après un croquis de M. de Blocgueville.


après elle de bagages, de bêtes de charge, de mulets, de chameaux portant trois mois de vivres, et de troupeaux de chèvres et de moutons. Les soldats avaient aussi un grand nombre d’ânes pour porter leur bagage. Tout cela s’avançait dans le plus grand désordre.

Après plusieurs marches peu longues, mais très-pénibles, sur des terrains sablonneux et couverts d’une croûte de sel dans laquelle on enfonçait jusqu’à la cheville, nous atteignîmes Courktepè (butte du loup) le 28 juin.

Pendant la nuit, il y eut alerte ; environ mille Turcomans s’approchèrent de notre camp et ouvrirent un feu qui dura quelques minutes ; ils se retirèrent après nous avoir tué trois hommes et blessé plusieurs autres.

Le jour suivant, ils revinrent à la charge, et nous enlevèrent quelques fourrageurs repris bientôt par les cavaliers persans qui tuèrent trois Turcomans, dont les têtes furent immédiatement plantées sur des lances au milieu du camp. L’une de ces têtes, comme type et comme expression, était extraordinaire. Une balle entrée derrière était sortie vers le haut du front. Le fer de la lance passait tout entier par ce trou. La tête était rasée ; une barbe assez longue flottait sur le bois de la lance, et la figure, quoique mutilée, conservait une expression intelligente où l’on croyait voir survivre une nuance d’ironie.

La colonne, après avoir fait sa provision d’eau, leva le camp le 2 juillet, à une heure de l’après-midi, et, à cinq heures du soir, se mit en marche dans la direction de Coutchakoum.

H. de Blocqueville.

(La suite à La prochaine Livraison.)