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station que quelques heures, le temps de faire reposer nos bêtes de charge qui devaient doubler l’étape. Selon les gens du pays, je n’avais que trois farsahks à parcourir pour atteindre Charout.

En chemin je rencontrai plusieurs paysans qui me demandèrent s’il devait passer encore des troupes ; sur ma réponse que la dernière colonne était celle que j’allais rejoindre à Charout, ils prirent un air de contentement, en murmurant quelque chose comme une action de grâces. Je voulus savoir d’eux pourquoi ils avaient l’air si satisfaits de la nouvelle que je leur donnais ? « C’est, me dirent-ils, que nous allons enfin être libres de retourner dans nos habitations avec l’espérance de ne plus y être inquiétés. » Presque tous les habitants des petits villages voisins de la route s’étaient empressés de se réfugier dans les montagnes avec leurs troupeaux, afin de ne pas être pillés par les éclaireurs de l’armée régulière. Ceux qui n’avaient pas pris cette précaution avaient eu à déplorer au moins la perte de quelques animaux domestiques, surpris dans la campagne par les cavaliers de la colonne.

La nuit approchait, et, selon mon calcul, je devais bientôt voir paraître Charout : c’était une erreur ; les trois farsahks n’en finissaient point : je n’arrivai que vers les onze heures du soir dans des marais où nos mulets s’abattirent plusieurs fois, et ce ne fut que vers minuit


Ruine d’une mosquée à Charout-Bastam. — Dessin de E. Thérond d’après une photographie.


que j’entrai dans un des caravansérails de Charout.

Le lendemain j’allai visiter le chef de la colonne. Le départ était fixé au jour suivant.

L’enceinte de la ville renferme à peu près deux mille maisons ; ses environs en comptent un nombre presque égal, au milieu de champs, de vergers et de jardins.

Charout est protégée au nord par la montagne au pied de laquelle elle est située ; au sud et à l’est s’étend une vaste plaine inculte et pierreuse : un village voisin assez populeux ajoute à la grandeur apparente de la ville. L’été y est insupportable surtout à cause de la réverbération du sol et des montagnes dont la teinte est blanchâtre.

À deux farsahks au nord-est, et dans une petite vallée, sont les restes de la ville de Bastam ; quelques-uns de ses monuments font juger de son ancienne importance ; le plus remarquable est un minaret tremblant.

Charout est en communication avec la Russie par la voie d’Asterabad, dont elle est peu éloignée. Un négociant russe, en même temps agent consulaire de sa nation, M. Potchakof, m’offrit, pendant mon séjour à Charout, une agréable hospitalité et me donna quelques renseignements précis sur les relations commerciales des deux pays.

La Russie importe des fers, des foutes, des aciers, des étoffes, des porcelaines, de la verroterie, etc., et,