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Radu-Negru règle ensuite les cérémonies du sacre, crée des charges auliques et donne des noms à tout. Les ministres s’appellent câmâras’i (chambellans), les secrétaires, grammatici (grammairiens), les aides, slugeri, l’échanson, pocularnik, le pitancier pitar, l’armée oste, le soldat ostas’, les généraux, capiteni, les hommes d’armes armas’i, les hallebardiers trabant’i, et ceux qui semblent former son état-major et ne le pas quitter d’un instant, sont ses comis, écuyers, compagnons ou comtes.

Sans discuter l’évidence de cette constitution, que l’on retrouve chez les Moldaves avec la seule différence de l’hérédité, Vaillant appuie la preuve de l’égalité des Roumains par celle des Serviens, si ancienne qu’ils semblent n’avoir jamais fait d’efforts pour l’obtenir, et l’on sait fort bien, que des peuples plus barbares que les Roumains, ceux de la Russie par exemple, furent également libres jusqu’en 1556 et ne furent soumis à l’esclavage que sous Ivan Vazirevitch. Il était juste que les compagnons d’armes de Radu, eussent leur part de sa conquête ; le pays du reste était encore peu peuplé ; ils pouvaient y devenir tous propriétaires sans être obligés de déposséder les peuplades qui s’y trouvaient et se poser au milieu d’elles en dominateurs. On conçoit facilement aussi qu’en rendant la souveraineté élective, Radu-Negru faisait moins acte de vertu qu’une concession aux principes de l’époque, et qu’en créant une noblesse viagère et personnelle, il ouvrait un champ plus vaste à toutes les ambitions généreuses. (Vaillant, tome Ier, pages 138 et 139. (141, 142, 143.)


Un pont en Valachie. — Dessin de Lancelot.


« Jusqu’au quinzième siècle (dit un historien roumain, M. de Kogalnitchano, cité par M. Ubicini), les prêtres n’eurent qu’un seul prélat qui avait sa résidence à la cour d’Argis et dont le pouvoir spirituel s’étendait sur les Roumains de la haute Valachie, de la Transylvanie et de la Hongrie ; les archevêques bulgares de Ternova et de Silistrie dirigeaient les habitants de la haute Valachie. Vers la fin du quatorzième siècle, lorsque les papes essayèrent d’amener les Roumains à l’union, le patriarche Joseph nomma pour la principauté valaque deux métropolitains, l’un à Bucharest, qui portait le titre d’archevêque de Nicomédie, l’autre à Tirgovist, lequel était archevêque in partibus d’Amasie dans le Pont. Mais ces archevêques furent accueillis avec beaucoup de défiance. Les Valaques, en effet, imitèrent les Moldaves qui, après le concile de Florence, avaient renvoyé leur métropolitain, adopté les lettres cyrilliennes et rejeté les caractères latins dont ils s’étaient servis jusqu’alors. Ce fut toute une révolution. Tous les papiers, tous les manuscrits furent brûlés, de sorte qu’il existe aujourd’hui peu de sources historiques écrites en latin avant cette époque. L’union devint alors plus difficile que jamais ; la messe cessa d’être célébrée en latin ou en langue roumaine, elle le fut en slavon ; la plupart des livres furent aussi écrits dans cette langue, que ni le peuple ni les prêtres ne comprenaient.

« Ce fut le triomphe de l’ignorance et du fanatisme, Les Roumains en étaient venus à considérer l’interruption de leurs quatre grands carêmes comme un plus grand péché que l’assassinat. La plupart d’entre eux ne connaissaient du culte ou des dogmes de leur Église que le gospodi gosnitui (en slavon : Seigneur, ayez pitié de nous),