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SIENNE

(ITALIE),


PAR LE DOCTEUR COSTANTINI[1].


1865. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


III (Fin.)


Grégoire VII. — Alexandre III et la ligue lombarde. — La bataille de Legnano et la paix de Constance.

Outre les deux Piccolomini, Sienne compte encore six papes[2]. De ce nombre est ce Grégoire VII dont la part est si large dans l’histoire de l’Église et de l’Italie ; qui, après avoir pendant trente ans, simple cardinal, gouverné l’Église et fait quatre papes, établit le célibat des prêtres ; puis, après avoir revendiqué la pleine indépendance du saint-siége vis-à-vis de l’empire, poussa ses prétentions jusqu’à réclamer le droit de couronner et de proclamer l’empereur, de le juger et le déposer. Ce fier ennemi de la puissance impériale, ce vieillard qui l’humilia dans la personne d’Henri IV, prépara indirectement, et certes aussi sans le vouloir, la constitution des communes et leur gouvernement consulaire.

Un autre grand pape siennois est Alexandre III. On sait qu’en 1168 il excommunia et déposa de l’empire Frédéric Barberousse, et donna son nom à cette ville d’Alexandrie qui, née comme par enchantement le 1er mai 1168[3], mit sur pied, dans la même année, quinze mille défenseurs de la ligue lombarde, et six ans plus tard résista seule pendant quatre mois à l’armée impériale.

Au nom d’Alexandre III se rallie le souvenir de la bataille de Legnano, de ce grand triomphe des républiques italiennes sur l’empire germanique, et de la célèbre paix de Constance, qui ne fut pour l’Italie qu’une magnifique occasion perdue d’établir son indépendance ; car les communes, qui s’étaient liguées avec succès contre l’empereur, se contentèrent de recevoir de ses mains la confirmation de leurs priviléges, fortifiant de la sorte elles-mêmes à leur tour les prétentions de cet empire qu’elles avaient d’abord combattu.


IV


L’église Saint-Jean. — Les fonts baptismaux. — Le palais du Magnifico. — La place del Campo. — Le palais de la République. — La tour du Mangia. — La chapelle. — Fonte-Gaja. — Le palais Sansedoni. — La loggia degli Uffiziali.

Au-dessous de la cathédrale il y a une autre église, celle de Saint-Jean, qui est le baptistère de Sienne. Lorsque, en 1301, on en commença la construction, elle n’était pas, comme à présent, souterraine ; ce ne fut que seize ans plus tard qu’on prolongea sur ses voûtes la partie postérieure de la cathédrale.

La belle façade du haptistère a été dessinée, en 1382, par Mino del Pellicciajo. L’artiste reçut, à titre d’honoraire, un florin d’or !

Que de fois n’avons-nous pas descendu les larges dalles de l’escalier qui, appuyé au flanc sud de la cathédrale, conduit de la piazza del Duomo à cette petite église où l’on conserve un des trésors les plus précieux de l’art chrétien, les célèbres fonts baptismaux[4].

Ce monument d’une si rare élégance, dont nous offrons le dessin à nos lecteurs (p. 17), repose sur deux degrés richement émaillés de marbres de couleurs diverses. Il est de forme hexagone. Six bas-reliefs en bronze en décorent les côtés. Les deux premiers (le baptême du Christ et l’emprisonnement de saint Jean) ont été coulés, de 1417 à 1427, par Ghiberti, l’auteur de ces portes du baptistère de Florence que Michel-Ange proclamait dignes du paradis. Le troisième, dans lequel on voit présenter à Hérode la tête de saint Jean-Baptiste, est de Donatello. Giacomo della Quercia en termina un autre en 1430 ; les deux derniers (la naissance du Précurseur et sa Prédication) ont été achevés, en 1427, par Turino di Sano et par son fils Giovanni. Ce même Giovanni di Turino est l’auteur de trois des six figures placées sur les angles (la Charité, la Justice, la Prudence) ; celles de la Foi et de l’Espérance sont de Donatello ; la sixième figure, la Force, est de Goro di Neroccio.

Sur les fonts s’élève un beau petit temple en marbre blanc, de forme hexagone, qui porte dans six niches autant de figurines allégoriques, et au-dessus des pi-

  1. Suite et fin. — Voy. page 1.
  2. Giovanni I (523-526), saint. On le regarde comme Siennois d’après une tradition très-ancienne, appuyée sur l’autori1é de respectables écrivains. — Gregorio VII (1073-1085). Ildebrando Aldobrandeschi de Sovana, fils d’un charpentier, saint. — Alessandro III (1159-1187), Rolando Bandinelli. — Pio II (1458-1464), Enea Silvio Piccolomini. — Pio III (22 septembre au 18 octobre 1503), Francesco Piccolomini Todeschini. — Marcello II (9-30 avril 1555), Marcello Cervini. — Paolo V (1605-1621), Camilio Borghesi. — Alessandro VII (1655-1667), Fabio Chigi.

    On pourrait encore ajouter à cette liste, déjà assez longue, Giovanni Maria Ciacchi, de Monte S. Savino (province de Sienne), dont la mère, une Saracini, était Siennoise, et qui fut pape de 1550 à 1555, sous le nom de Giulio III, et peut-être aussi Eugenio IV, qui avait été archevêque de Sienne en 1407 et 1408.

  3. On appela pour la peupler les habitants de sept bourgs environnants. L’un de ces bourgs était Marengo.
  4. Commandés d’abord à Giacomo della Quercia, ces fonts ont été achevés par Pietro del Minella et Nanni di Lucca dans les premières années du quinzième siècle.