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continuellement chez elles de ces traits d’une nature essentiellement humaine et qui nous sont familiers.

Leur moulin est composé d’un bloc de granit, ou de syénite, parfois même de mécachiste, ayant de quinze à dix-huit pouces carrés, sur cinq ou six d’épaisseur ; et d’un morceau de quartz, ou d’autre roche également dure, de la dimension d’une demi-brique ; l’un des côtés de cette espèce de meule est convexe, de manière à s’adapter à un creux en forme d’auge, pratiqué dans le bloc qui est immobile.

Quand la femme a du grain à moudre, elle s’agenouille, saisit à deux mains la pierre convexe, et la promène dans le creux de la pierre inférieure par un mouvement analogue à celui d’un boulanger qui presse sa pâte et la roule devant lui. Tout en la faisant aller et venir la ménagère pèse de tout son poids sur la meule et de temps en temps remet un peu de grain dans l’auge du bloc. Celui-ci est incliné, de manière que la farine, à mesure qu’elle se fait, tombe sur une natte disposée pour la recueillir.

Cet égrugeoir est sans doute le moulin primitif ; il a dû précéder le moulin à bras des Orientaux, et peut-être Sarah l’a-t-elle employé quand elle a traité les Anges.

Une autre partie de la tâche des Africaines est la préparation de la bière. Elles font germer le grain, le font sécher au soleil, le réduisent en poudre et soumettent cette farine au brassage.

Leur bière, ainsi que nous l’avons dit, ne se garde pas ; quand elle est faite il faut la boire. Souvent les convives sont priés d’apporter leurs houes, afin de dissiper l’excitation de l’ivresse en se livrant à un vigoureux piochage.

Nous approchons des estocades de Chiusamba, sur les rives du Liptipi.


Anthropologie. — Produits. — Industrie. — Conclusion.

Chiusamba nous a reçus dans une très-grande hutte, et nous a fait présent d’un énorme panier de bière. Il a quelque chose du type juif, ou plutôt du visage assyrien, tel que nous le montrent les sculptures du musée britannique. Ce genre de figure est bien commun dans le pays. La plupart des têtes ne sont pas moins bien faites que celles que nous voyons sur les anciens monuments d’Égypte et d’Assyrie. Il en est qui se prolongent un peu en arrière et se développent en hauteur comme la tête de Jules César. Cette forme se rencontre plus souvent qu’en Europe. Les lèvres tiennent plutôt de celles des blancs que des lèvres énormes des noirs de la côte de Guinée ; elles sont fortes, mais pas d’une façon désagréable. Un large anneau, porté à une oreille, ainsi que diverses manières d’arranger les cheveux, nous rappellent ce que nous avons vu sur un monument égyptien. La jambe n’a pas, en général, ce haut mollet qu’on attribue à la race africaine, et dont on a fait l’un de ses traits caractéristiques. Enfin, nous ne rencontrons pas ici plus de talons projetés en arrière que chez les peuples civilisés. Nous avons remarqué plusieurs fois une longueur exagérée du fémur ; mais nous ne savons pas si le fait est plus commun dans cette région que ne l’était jadis parmi nous le fait des longs bras qui donnaient aux Anglais tant d’avantage pour manier le sabre.

Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler en terminant les principaux résultats de nos explorations.

Citons au premier rang la découverte d’un port qu’il serait facile d’approprier aux besoins du commerce, et la connaissance exacte du Zambèse comme voie de communication entre la côte et la région salubre, qui, selon toute probabilité, deviendra le siége d’établissements européens.

La condition du fleuve a été soigneusement étudiée pendant la saison sèche ; de même que, pour en établir la profondeur, on examine les ports à marée basse. Il est possible que, pendant plusieurs mois de l’année, le Chiré et le Zambèse s’élèvent beaucoup plus haut que nos chiffres ne l’indiquent ; mais leur niveau ne sera jamais inférieur à celui que nous avons donné.

La fertilité du sol nous a été largement prouvée par la richesse de ses produits.

Un coton d’excellente espèce a été recueilli dans beaucoup de districts.

On pourra juger de la fertilité de cette région par ce fait que des plantes, qui réclament ailleurs beaucoup de soins, y viennent à l’état sauvage, aussi bien que le cotonnier. Ainsi le tabac croît sans culture et se propage de lui-même, le ricin ordinaire se rencontre partout dans les mêmes circonstances. L’indigotier, en divers endroits, est connu sous le nom d’occupant des jardins abandonnés, parce qu’il s’empare de tous les terrains ou on le laisse libre.

La canne à sucre, dans ce pays-ci, n’est pas un produit spontané ; mais elle y fleurit ; et cultivée dans un sol riche et gras, elle devient, sans fumure, tout aussi grosse qu’à l’île Maurice et à l’île Bourbon, où elle ne peut être obtenue sans guano. D’après les cristaux qui apparaissent dès qu’on la tranche, elle paraît contenir beaucoup de sucre.

Dans les terrains bas, le sol est revêtu d’herbes géantes qui dépassent de beaucoup la taille d’un homme. La plaine qui touche à la côte et se déploie sur une largeur de cent à trois cents milles, convient parfaitement aux bêtes bovines.

L’unique défaut que l’on puisse reprocher à cette terre est son extrême fécondité. Speke et Grant ont signalé une région très-fertile aux environs de l’équateur ; mais nous ne pouvons pas nous figurer une végétation plus excessive que celle que nous avons rencontrée du quinzième au dixième degré de latitude sud, ou bien elle formerait un obstacle absolument infranchissable.

Dans les îles de Chiré on sème et on récolte du grain d’un bout de l’année à l’autre, sans égard pour la saison ; pendant les quatre mois de sécheresse, le froment qu’on a irrigué, germe, se développe et mûrit. Des Européens seraient toujours sûrs d’y faire annuellement une récolte de blé et deux ou trois de maïs.

La végétation des hauteurs est moins luxuriante que celle des vallées basses ; mais, en moyenne, l’herbe y