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Un seul fait de ce genre ne saurait être concluant ; mais il est possible que l’on puisse tirer du kombi un médicament précieux. Le professeur Sharpey a commencé à cet égard une série d’expériences dont les résultats nous intéressent vivement ; il a déjà obtenu du kombi un alcaloïde de même nature que la strychnine. Tous les animaux, ce n’est pas douteux, meurent des effets d’une flèche empoisonnée, excepté toutefois l’éléphant et l’hippopotame. La quantité de poison que la flèche peut introduire dans la blessure étant trop minime pour tuer ces colosses, les chasseurs ont recours à leur égard au trébuchet dont nous avons donné la description.


Du Nyassa au Zomba. — Paysage. — Hospitalité. — Buffles dans les jardins. — Katos.

Notre projet est de marcher au nord-nord-ouest, parallèlement à la direction du Chirwa ; mais en nous tenant assez loin du bord occidental pour éviter les Mazitous. Nous chercherons à découvrir si le Nyassa reçoit à l’ouest quelque rivière importante, et à nous renseigner sur le nombre d’esclaves qui traversent le lac à Tsenga, à Kota-kota et sur d’autres points de la partie méridionale.

Nos Makololos, du reste, ne demandent pas mieux que d’aller rondement : ils voudraient rentrer chez eux, de manière à piocher leurs terres avant la saison des pluies.

Nous avons d’abord pris au nord-est, à partir de la cataracte supérieure, ce qui nous a fait suivre la grande courbe de la rivière jusqu’au pied du mont Zomba. Ici la vue, est des plus imposantes : les cimes se dressent vers le ciel, tandis que le plateau, qui lui-même a trois mille pieds d’élévation, se déploie vers le sud, où il va disparaître.

Nous nous sommes ensuite dirigés vers le nord-ouest, et sommes arrivés au Ribvé-ribvé ou Rivi-rivi, qui prend sa source dans les monts Maravis et se jette dans le Chiré.

Le site des villages, dont la quantité est surprenante, semble partout avoir été choisi en vue de l’ombre qu’il pouvait donner. Ayant toujours suivi le bord de l’eau, nous étions loin de soupçonner combien ces villages étaient nombreux. Aujourd’hui pas un n’est habité ; les magnifiques sterculiers, d’un vert jaunâtre, dont la première branche est à cinquante pieds du sol, n’entourent plus que des lieux déserts ; les éléphants dépouillent et mutilent, sans que rien les dérange, les figuiers à large cime qui abritent les cases abandonnées.

Le Rivi-rivi descendant du nord-ouest, nous avons continué à suivre ses bords, et nous sommes arrivés chez une peuplade qui a su se défendre contre les Ajahouas.

Ici les gens cultivent le maïs, et nous en vendent sans difficulté.

Les nuits, à cette époque de l’année, sont toujours froides ; comme ce n’est pas le moment des travaux agricoles, les villageois ne sortent de chez eux que lorsque le soleil a réchauffé l’atmosphère. En d’autres temps ils sont dehors avant le jour ; et le premier bruit qui vous frappe, quand vous vous éveillez, c’est la causerie des hommes et des femmes qui parlent haut dans l’ombre, afin d’éloigner les bêtes féroces par le son de la voix humaine. Lorsqu’il n’y a pas d’ouvrage, c’est la toux bruyante et convulsive des fumeurs de chanvre qui vous avertit de l’approche du jour.

Remis en route, du côté du Rivi-rivi, nous gagnons le petit village de Chafounda, où quelques individus nous reconnaissent pour nous avoir vus sur le Chiré

Impossible d’être meilleurs que ces gens-là ; ils n’avaient pour toutes provisions que des tamarins préparés avec des cendres et un peu de farine de dolichos pruriens : ils s’empressèrent de nous les offrir : nous les refusâmes.

Installés dans la meilleure case du village, nous avons dormi du meilleur sommeil, bien que sur une simple natte. Il est vrai que nous avions fait au moins vingt milles. Notre dîner de la veille s’était composé d’un pigeon. Depuis lors nous n’avions mangé qu’une poignée de farine de kitedzi cuite à l’eau claire. Nous mourions de faim. L’excellente femme chez qui nous étions logés, prit un peu de maïs qu’elle gardait pour semence ; elle le broya dans l’ombre, et nous en fit de la bouillie. Un petit garçon apporta en outre des légumes sauvages, d’un goût douceâtre, à peu près le contenu d’une tasse. Quand il eut posé son écuelle, il se mit à battre des mains le plus fort possible. Accablés de sommeil, nous nous étions rendormis, et nous commencions à rêver d’un grand festin, lorsque la politesse du petit garçon nous réveilla, fort heureusement pour nous. Le repas était si mince qu’un de nos compagnons, se figurant que c’était sa part, avait pris la totalité, et il n’en restait plus guère. Le pauvre dévorant se confondit en excuses, tout au moins inutiles ; nous avions trop faim pour ne pas comprendre son appétit.

Poursuivant notre course au nord-ouest, nous arrivons à une chaîne de montagnes dont le point culminant est un grand bloc de granit complétement nu, qui s’élance dans les airs sous forme de dôme et s’appelle le Mvaï. Ainsi que plusieurs autres masses où la roche est découverte, ce pic est d’un gris clair, et a des taches blanches qui produisent l’effet de lichens. La chaîne est, en général, maigrement couverte d’arbres, d’une venue médiocre. Elle est dominée, contre le Mvaï, par différents pics, tels que le Chirob, qui est plus au nord.

Le territoire où nous avons campé, en face du mont Mvaï, se nomme Paudio ; c’est évidemment la profondeur du district des bords du Chiré, où nous avons fait autrefois des relevés astronomiques pour établir la latitude.

En quittant le Paudio nous avons à notre gauche les