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La sécheresse oblige tous les animaux à venir boire au Zambèse. Une heure de promenade sur la rive, soir ou matin, nous montre un pays littéralement couvert de bêtes sauvages : des troupeaux immenses de pallahs, des quantités de waterbucks, de zèbres, de buffles, de coudous, de potamocheros, d’élans et de singes ; des francolins, des pintades, des légions de tourterelles attirent le regard dans les endroits boisés ; et des pistes fraîches indiquent le nombre d’éléphants et de rhinocéros qui se sont abreuvés pendant la nuit. À peine si quelques milles séparent les troupeaux d’hippopotames que nous voyons dormir sur les hauts-fonds, le corps presque entièrement sorti de l’eau, et ressemblant à des rochers noirs groupés dans la rivière. Dans les endroits où on les chasse beaucoup, ces animaux deviennent d’une méfiance proportionnelle aux dangers qu’ils redoutent ; mais ici personne ne les inquiète et ils reposent en toute sécurité. Ils ont cependant la précaution de ne jamais s’endormir qu’au ras de l’eau profonde dans laquelle ils se précipitent à la moindre alarme. Un coup de fusil tiré au milieu de ces dormeurs fait surgir toute la bande ; ils regardent devant eux avec un air de surprise et d’hébétement qui leur est particulier, et ne plongent qu’après la seconde détonation.


Forgeron à Simariango, sur la rive du Zambèse. — Dessin de A. de Neuville d’après le Dr Livingstone.

À quelques milles au-dessous du village de Choukoumboula nous avons rencontré un hippopotame blanc ; nos hommes n’en avaient jamais vu. Il était d’un blanc rosé, tout à fait de la nuance des albinos, et il paraissait être le père d’une nombreuse famille ; car un grand nombre des individus qui composaient le troupeau étaient marqués de larges taches de couleur claire. L’éléphant blanc n’est pas autre chose qu’un albinos à teinte rosée, présentant dans son espèce la même particularité que cet hippopotame. Un peu au-dessus du Kariba, nous avons observé pareille affection de la peau chez beaucoup d’habitants de deux petites bourgades. La même influence paraît avoir agi sur l’homme et sur la bête. Un hippopotame de couleur sombre se tenait à l’écart comme s’il avait été chassé de la bande, et mordait la rivière en secouant la tête horizontalement avec frénésie. Mordre l’eau de cette façon équivaut chez l’hippopotame aux claquements de porte d’un homme furieux.

Nous avons touché à l’île de Kalabi.

Extrait de la traduction inédite de Mme H. Loreau.

(La fin à la prochaine livraison.)