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maîtres qui les conduisaient comme un troupeau de chèvres et les logeaient dans une fosse par mesure de sûreté.

Dans chaque village de superbes trophées de chasse, cornes de buffle et d’antilopes, sont accrochés aux branches ou rangés au pied de l’énorme figuier de la place publique.

9 juillet. Après avoir passé près de quatre villages, nous déjeunons chez Tombanyama, un de nos anciens amis qui occupait jadis une île du Zambèse et qui habite maintenant la terre ferme. Il a une basse-cour bien montée où il nourrit des pigeons en nombre considérable et de fins chapons gras, dont il nous a donné l’un des plus beaux, auquel il a joint un panier de farine.

Les habitants de cette région ont du sel en abondance que leur fournit la plaine, et qu’ils extraient par la méthode qu’on emploie au bord du Chiré.

Cette après-midi nous sommes arrivés à l’une des bourgades frontières de Kambadzo, qui habite ordinairement l’île de Nyampanga ou Nyangaboulé, située à l’embouchure du Kafoué.


Les Batongas et les Batokas — Culture. — Les va-tout-nu. — Cimetières. — Croyance. — Chutes de Victoria visibles à une distance de plus de vingt milles. — Moshobotouané. — Le mari d’une sorcière.

10 juillet. En aval du confluent du Zambèse et du Kafoué, sur un banc de sable, gisent de nombreux hippopotames qui apparaissent au-dessus de l’eau, et produisent l’effet d’une masse de rochers noirs.

11 juillet. Par suite du vent et du mauvais état des pirogues, notre passage du Kafoué a été beaucoup plus long qu’il n’aurait dû l’être. Ce n’est qu’à une heure avancée de l’après-midi que tout notre monde a été de l’autre côté de l’eau. Une fois sur la rive droite, nous nous sommes trouvés chez les Bahoués.

Nous avons passé la nuit dans un village situé à peu de distance de l’endroit où l’on franchit la rivière. Les habitants sont d’origine batoka, ainsi qu’une grande partie de nos hommes. Ils se donnent le nom de Balengis ou de Batongas, qui signifie indépendants.

Chaque fois que nous entrons dans le village, ou que nous en sortons, les femmes nous saluent en battant des mains et en murmurant un chant monotone et doux. Les hommes nous témoignent leur respect en se frappant les hanches avec les mains.

Ces Batongas ou Balengis cultivent le sorgho sur une très-grande échelle ; ils en ont une espèce dont le chaume se courbe naturellement, de sorte que l’épi massif est incliné vers la terre. La récolte faite, le grain est empilé sur des échafaudages en bois, où l’on met également d’autres produits. Les hommes sont d’habiles chasseurs ; ils tuent les éléphants et le buffle avec des lances à la fois longues et pesantes.

12 juillet. Ce matin nous avons fait une halte de quelques minutes en face de l’île étroite de Sikakoa, dont l’extrémité inférieure porte un village.

Toujours des montagnes à l’horizon ; quelquefois la rampe descend jusqu’à la rive. La quantité de beau minerai de fer que l’on rencontre et l’existence d’un prodigieux lit de houille présagent à cette région un avenir important.

14 juillet. Nous quittons le Zambèse à l’endroit où il traverse la gorge de Kariba, formée par la chaîne de montagnes qui va du nord-est au sud-ouest.

Après avoir doublé l’extrémité nord des montagnes, nous avons établi notre camp près du village du chef Moloï. Cet homme généreux nous a donné trois énormes paniers de belle farine de sorgho, deux pots de bière, deux volailles, et a reçu notre présent avec gratitude. Il s’est levé, a fait quelques gestes de danse, et nous a dit ou plutôt chanté cette parole : « Motota ! motota ! motota ! » que nos gens nous ont traduite par un mot qui signifie « je vous rends grâces. »

Nous voyons des troupes considérables de belles grues de Numidie. Les pintades sont toujours nombreuses, mais plus farouches, en raison de la guerre que leur font les indigènes, qui les tuent à coups de flèches, ou en leur jetant leurs massues qu’ils lancent avec beaucoup de précision.

Depuis le Kafoué, la rive gauche et les îles du Zambèse ont une population nombreuse. La rive droite, au contraire, bien qu’elle soit également fertile, est entièrement déserte.

À partir du village de Moloï, les habitants, quoique Batokas d’origine, sont appelés Bahoués.

Nous traversons un pays fertile, couvert d’une forêt dépourvue de sous-bois, où nous accompagnent les Bahoués, dont nous recevons le meilleur accueil. Beaucoup sont appelés par leurs compatriotes Baenda Pezi ou Va-tout-nu, parce qu’un badigeon d’ocre rouge forme leur unique vêtement. Quand nous nous arrêtons dans leurs villages ils nous saluent avec respect et nous régalent de liting, bière nouvelle, qui n’ayant pas encore fermenté n’est pas enivrante. Tous les hommes que nous voyons sont armés de lances massives ; quelques-uns portent de grands boucliers en peau de buffle.

Les alentours des villages sont ordinairement défrichés et cultivés par place ; mais on ne peut dire nulle part que le pays soit très-populeux. On voit dans chaque bourg des estrades sur lesquelles le sorgho en épi est amoncelé. Quand il est battu, le grain est empaqueté avec de l’herbe, et ces paquets oblongs sont empilés dans des cadres en bois.

Nous avons trouvé plusieurs petites rivières qui ne font à peu près que nous servir de bornes milliaires.

L’île et le rapide de Nankasalo, dont on nous avait parlé autrefois, n’ont aucune importance. Le rapide n’existe que d’un côté de l’île et a tout au plus huit cents yards de longueur.

À Mozia, un poëte qui nous accompagnait volontairement nous a quittés.

Nous avons cherché à savoir si la nudité des Baenda Pezi était le signe d’un ordre particulier ; on nous a répondu que c’était leur habitude.

Quoi qu’on puisse dire en faveur de la nudité des sta-