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tent des hamacs ou témoignent leur allégresse en déchargeant leurs mousquets. Derrière les machillas, viennent les amis du jeune couple ; ils ont ordinairement l’habit noir et le chapeau en tuyau de poêle qui nous paraît ici plus hideux que nous ne l’avons jamais trouvé en Europe.

Les femmes regardent les toilettes de leurs voisines, et balancent gracieusement les cruches d’eau qu’elles portent sur la tête, pendant que, pour se nettoyer la gorge de la poussière que soulève la foule, les invités font de copieuses libations en attendant le repas, qui est suivi de la danse et d’autres divertissements joyeux.

L’objet le plus important des environs de Têté, à peu près le seul qui soit intéressant, est la houille que l’on rencontre à quelques milles au nord du village. Elle apparaît dans les berges rocheuses des ruisseaux qui alimentent le Révoaboué. Les veines ont une épaisseur de quatre à cinq pieds ; nous en avons trouvé une de vingt-cinq pieds d’épaisseur.

L’or se trouve également dans beaucoup de rivières situées au midi de Têté ; mais aussi longtemps que durera l’esclavage on n’exploitera dans ce pays-ci ni l’or ni la houille, et ces richesses se conserveront pour les générations futures.

Persuadés que nous devions à nos fidèles compagnons de 1855 de les reconduire chez eux, de les protéger pendant la route et de leur rendre tous les services qui seraient en notre pouvoir, nous nous préparâmes à ce voyage qui était pour nous une dette d’honneur, et que les Portugais de Têté regardaient comme impossible.

Le vapeur fut conduit à l’île de Kaniymbé, située en face de Têté, et confié à deux matelots anglais qui devaient le garder pendant notre absence.

Ceux des Makololos qui avaient pris part aux travaux de l’expédition touchèrent le prix de leurs services, et leurs camarades, à qui l’on voulut montrer qu’ils n’étaient pas venus pour rien avec le docteur, reçurent de la toile de coton, afin qu’ils n’eussent pas à souffrir de la température plus fraîche du pays. Enfin des ornements furent ajoutés à ce présent d’étoffe.


Femme ornée du pélélé (p. 138). — Dessin de A. de Neuville d’après le Dr Livingstone.

On appelait nos gens Makololos, parce qu’ils étaient fiers ; mais c’était pure politesse, car il n’y avait dans toute la bande que le chef principal, nommé Kanyata, qui fût un vrai Makololo, et c’était en vertu de son origine qu’il avait succédé à Sékouébou. Le reste appartenait aux tribus conquises des Batokas, des Boshoubias, etc.

Le 15 mai, ayant achevé tous nos préparatifs, nous nous mîmes en route à deux heures de l’après-midi.

Un négociant de Têté envoya avec nous trois de ses esclaves, qu’il chargea de présents pour le chef des Makololos. Le major Sicard nous donna également trois des siens, et deux gentlemen portugais eurent la complaisance de nous prêter deux ânes.

Nous nous arrêtâmes à quatre milles de Têté. Apprenant que les Banyaïs, ces gens qui rançonnent les Portugais, habitent principalement la rive droite, et n’ayant pas grande confiance dans notre escorte, nous traversâmes le Zambèse et suivîmes la rive gauche. Si les Banyaïs s’étaient présentés d’un air menaçant, nos hommes auraient pu déposer leurs fardeaux et s’enfuir, d’autant plus volontiers qu’ils étaient près de leur gîte.

Il n’y eut pas même besoin de cela pour faire déguerpir deux d’entre eux qui, le lendemain, reprirent la route de Têté.

Nous fîmes d’abord de courtes étapes, allant sans nous presser jusqu’à ce que les hommes fussent rompus à la marche.

Les nuits étaient froides, accompagnées de fortes rosées, quelquefois d’une averse ; il en résulta plusieurs cas de fièvre. Chaque matin la bande était diminuée de quelques hommes.

Lorsque nous atteignîmes les montagnes de Kébrabasa, trente hommes (à peu près le tiers de la bande) nous avaient tourné le dos.

Les gens du Kébrabasa étaient alors plus gras qu’à notre première visite. La récolte avait été abondante ; ils avaient de la bière à profusion, et ils jouissaient gaiement de la vie tant qu’ils pouvaient.

Au village de Défoué, près de l’endroit où le Ma-Robert s’était arrêté lors de notre première course, nous trouvâmes deux chefs : le fils et le gendre de l’ancien chef. Ordinairement ce n’est pas le fils, mais le neveu du chef (ligne féminine) qui a le plus de chance d’hériter du pouvoir.

Ici les hommes sont tous marqués de lignes horizontales, ou de cicatrices qui leur traversent le nez et le haut du front. Ils ont en outre, comme les habitants de l’ancienne Égypte, une seule boucle d’oreille, formée d’un anneau de cuivre jaune qui a deux ou trois pouces de diamètre. Il en est qui portent les cheveux longs et de la même manière que les Égyptiens et les Assyriens. Quelques-uns ont les yeux relevés des Chinois.

Après avoir passé à pied le rapide Lonia nous quit-