Ce plateau s’étend à l’ouest des montagnes de Milanje, et descend au nord-ouest vers le lac Chirwa. Nous sommes tous ravis de cette contrée splendide ; c’est avec un enchantement qui se renouvelle toujours que nous regardons ses plaines fécondes, ses nombreuses collines, ses montagnes majestueuses.
Il y a des ronces dans quelques défilés ; malgré leur éclat et leur nombre, les fleurs nous touchent moins que ces buissons épineux et sans grâce, qui nous rappellent notre jeunesse et notre pays natal.
Nous avons traversé les hautes terres en nous dirigeant vers le nord, ce qui nous a pris une semaine. Nous descendons maintenant dans la vallée de Chiré, qui est à douze cents pieds au-dessus du niveau de la mer. Cette vallée est fertile et nourrit une population nombreuse.
Quand on a quitté l’espèce de plateau qui forme la partie méridionale de la chaîne des Manganjas, la montagne la plus haute qu’on aperçoive dans le massif du Zomba est le Njongoné, dont la base, du côté du nord, est arrosée par une charmante rivière.
Le pays des Manganjas est parfaitement arrosé et d’une manière délicieuse. Des eaux limpides et fraîches coulent avec abondance et rapidité dans des lits nombreux.
Nous avons rencontré jusqu’à sept ruisseaux en une heure, plus une fontaine, et cela vers la fin de la saison sèche.
Le mont Zomba, dont la longueur est de vingt mille et la hauteur de sept à huit mille pieds, est arrosé à son sommet, dans une vallée verdoyante, par un charmant cours d’eau qui va tomber dans le lac Chirwa.
Un tisserand des bords du Zambèse. — Dessin de A. de Bar d’après le Dr Livingstone.
Les Manganjas habitent généralement des villages administrés chacun par un chef particulier. Les habitants sont regardés comme les enfants de ce chef, dont l’autorité peut s’étendre sur les bourgades voisines. Tous les petits chefs d’une province reconnaissent la suzeraineté d’un grand chef qu’ils appellent Rondo ou Roundo. Le tribut qu’ils lui payent annuellement est peu élevé ; mais ils lui donnent l’une des défenses de chacun des éléphants tués sur leur territoire. Le Roundo, en échange, est tenu de les protéger contre l’ennemi et de les assister en cas d’attaque.
La façon abjecte dont les femmes de ces tribus s’agenouillaient sur notre passage nous était pénible à voir. Ce fut tout différent lorsque nous arrivâmes au territoire de Nyango. Nous avions dit au chef d’un grand village que les habitants de trois bourgades successives n’avaient pas voulu nous admettre chez eux. « Peu importe, nous avait-il répondu, vous pouvez dormir chez moi. » Il nous demanda ensuite qu’il fût permis à sa femme de venir et de regarder la montre, la boussole et autres curiosités. Elle arriva, suivie de ses compagnes, et fit preuve d’intelligence autant que de bonne tenue. Son mari la consultait toujours avant de terminer une affaire, et prenait évidemment ce qu’elle lui disait en grande considération.
L’emplacement des villages manganjas est toujours choisi avec goût et d’une façon judicieuse ; un ruisseau coule auprès, et des arbres feuillus les entourent ; souvent c’est le chef lui-même qui a fait cette plantation. Le Boalo, c’est-à-dire la place, est généralement à l’extrémité du bourg. C’est une aire de vingt à trente mètres,