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Comme nous causions autour du feu, l’un des esclaves de Têté, qui avait la prétention d’être un grand voyageur, nous raconta qu’il avait vu dans les pays du centre des hommes d’une race bien étrange ; ces hommes n’avaient que trois pieds de haut ; ils habitaient de grandes villes, étaient forts riches en denrées de toute espèce et avaient des cornes sur la tête. Mais les Makololos n’acceptèrent pas l’histoire, et dirent carrément au narrateur qu’il en avait menti. « Nous venons du centre, ajouta un grand gaillard de six pieds quatre pouces[1] ; avons-nous des cornes sur la tête, et sommes-nous des nains ? » Malgré toutes ces railleries, le conteur n’en voulut pas démordre : il avait bien vu ce petit peuple, disait-il, et avait été dans leur ville.

Nous passâmes à gué la Louia ; le courant en est rapide, la largeur d’environ cinquante yards.

Arrivé au pied d’une montagne qui porte le nom de Chiperezihoua, et dont les flancs perpendiculaires sont revêtus de lichens de toutes couleurs, on nous dit qu’en amont de cet endroit le fleuve était libre, et qu’il n’y avait plus d’obstacle à la navigation. Mais deux indigènes qui vinrent le soir à notre camp, nous assurèrent qu’il y avait plus haut une cataracte que l’on appelait Moromboua. Il fallait résoudre la question.

De chaque côté du fleuve, qui en cet endroit n’a pas une largeur de trois cents yards, et qui remplit toute la gorge, s’élèvent des montagnes d’une hauteur perpendiculaire de plus de mille yards (neuf cents et quelques mètres) et dont les flancs sont couverts d’un fourré épineux, ou d’énormes rochers noirs.

Tout à coup, après une pénible marche, un éperon de la montagne nous barra le passage ; et il fallut tourner l’obstacle par un circuit périlleux. La roche était si brûlante qu’on pouvait à peine y tenir la main.


Vue d’une partie des rapides de Kébrabasa.

Nous rencontrâmes dans cet endroit sauvage un pêcheur qui jetait son filet au milieu des remous et des tourbillons du gouffre ; il nous indiqua l’objet de nos recherches ; et une heure après, installés sur la tablette d’un roc, situé environ à cent pieds au-dessus du fleuve, nous découvrions la cataracte, qui doit rendre toute navigation impossible, excepté à l’époque des crues les plus hautes, où l’eau s’élève à une hauteur perpendiculaire de plus de quatre-vingts pieds, ainsi qu’il est indiqué sur le roc.

À notre droite s’élève le Moromboua, montagne d’une hauteur de deux à trois mille pieds, qui donne son nom à l’endroit où elle se trouve, ainsi qu’à la chute d’eau. À gauche de cette dernière est une montagne qu’on pourrait appeler en forme d’oignon ; c’est un cône, dont la partie supérieure en s’effritant, comme il arrive souvent au granite, a fini par présenter une face unie et convexe qui rappelle une énorme bulle. La base de ces deux montagnes s’étend vers le nord ; le fleuve, toujours étroit, coule tranquillement à leur pied, laissant apercevoir quelques rocs détachés qui surgissent de son lit.

Extraits de la traduction inédite de Mme H. Loreau.

(La suite à la prochaine livraison.)



  1. Un mètre quatre-vingt-treize centimètres.