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plusieurs points des portions colossales ont été dépouillées de leurs enveloppes et isolées du reste du courant auquel elles appartiennent. Telles sont les montagnes de Bonnevie et de Chastel. Il y a là un gros rocher de forme conique, d’environ quatre cents pieds de hauteur et formé d’un énorme faisceau de prismes convergeant de tous les côtés vers le sommet ; ceux de l’extérieur sont légèrement courbés, ceux du centre, droits et verticaux. Ces derniers sont les plus parfaits. Lisses, longs et minces, ils ont ordinairement six faces, et leur diamètre excède rarement huit à dix pouces, avec une hauteur qui atteint souvent de cinquante à soixante pieds, sans fentes ou délits. Les musées de Paris et de Lyon, aussi bien que quelques cabinets particuliers, se sont enrichis de plusieurs colonnes tirées de ce point remarquable ; mais c’est un travail extrêmement délicat de les séparer de la masse mère sans les briser, et la difficulté de les transporter intactes à quelque distance est plus grande encore. Ce balsalte est cassant, sonore, dur, compacte, fin de grain, sombre de couleur, et ne contient aucun cristal visible. Il est à remarquer que la face occidentale du rocher est entièrement amorphe.

Sur le versant opposé de Murat, dans la colline de Bredons, il y a un segment apparent du même lit, dont les colonnes sont divisées par de fréquents interstices ; les articulations séparées s’adaptent les unes dans les autres au moyen de bases alternativement concaves et convexes, comme de gigantesques vertèbres.

En aval comme en amont de Murat, dans la vallée de l’Allagnon, on exploite pour l’industrie, sous les couches les plus basses des déjections volcaniques, des carrières de calcaire d’eau douce ; preuve irrécusable que la formation lacustre s’est étendue à l’est comme à l’ouest des bouches centrales du volcan cantalien. Mais ces couches se trouvant à un niveau de plusieurs centaines de pieds plus haut que sur la pente occidentale, on a supposé un soulèvement qui, agissant inégalement dans le sol du bassin primitif, l’aurait divisé en deux parties, de niveau différent. Cette convulsion aurait coïncidé avec les premières explosions du volcan, et cette supposition n’est nullement improbable.


Pont Saint-Jean à Thiers. — Dessin de Thérond d’après une photographie.


VII


De Murat à Clermont. — Massiac : légendes et traditions. — L’Allier, Clermont et la Limagne.

Au delà de Murat, l’Allagnon s’enfonce de nouveau dans une gorge étroite et profonde que frangent de grands bois, que surplombent de noirs rochers de gneiss, çà et là encore envahis par des coulées volcaniques. Cette partie de son cours mériterait d’être étudiée au grand jour ; je ne l’ai vue qu’aux clartés blanchâtres de la lune qui en assombrissait encore le caractère sauvage. Au dessous de Malompize, les montagnes s’écartent pour encadrer le riant et fertile bassin de Massiac, petite ville mi-partie moyen âge et mi-partie moderne, où nous avons retrouvé un chemin de fer, qui devait nous amener à Clermont.

On est en ce lieu sur une des limites de la Haute-Auvergne ; les vignobles qui revêtent les pentes exposées au midi le constatent. Mais il lui appartient encore de droit, par les ruines, les traditions et les légendes.

Deux escarpements basaltiques pressent et surplombent le lit de l’Allagnon en amont de la ville ; une petite chapelle couronne l’un et l’autre ; celle de droite fut habitée par sainte Madeleine, celle de gauche par saint Victor. La réputation de sainteté et l’éloquence du saint