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Les derviches Nakhisbendi, à Bokhara. — D’après Vambéry.


VOYAGE DANS L’ASIE CENTRALE[1],

DE TÉHÉRAN À KHIVA, BOKHARA ET SAMARKAND,


PAR ARMINIUS VAMBÉRY,
SAVANT HONGROIS DÉGUISÉ EN DERVICHE.
1863. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


XII

Les espions de Rahmet-Bi. — Une épreuve solennelle. — Livres et manuscrits. — Le Righistan et le palais de l’émir. — Les seize thés. — La cuisine tartare. — Le rishte ou ver de Médine. — Régime des eaux. — Dévotion des Bokhariotes. — L’émir Moffazard-ed-din. — Un harem économique. — Départ. — Le tombeau de Baha-ed-din.

En dépit de mon costume strictement bokhariote, et bien que brûlé par le soleil de manière à être méconnaissable pour ma mère elle-même, je ne me montrais nulle part sans être aussitôt entouré d’une foule de curieux. Que de poignées de main, hélas ! et combien d’accolades passionnées ! Ces braves gens m’assommaient au delà de ce que je pourrais dire.

Le gouvernement n’était pas aussi facile à tromper. On m’avait entouré d’espions.

Un jour, le vizir m’envoya un petit vieillard ridé qu’il me chargeait d’examiner pour savoir si cet individu était en effet, comme il en donnait l’assurance, un Arabe de Damas. De prime abord ses traits me frappèrent et me parurent ceux d’un Européen. À peine eut-il ouvert la bouche, mon étonnement et ma perplexité augmentèrent encore, vu que sa prononciation ne me paraissait en rien celle d’un Arabe. Il avait, disait-il, entrepris un pèlerinage au tombeau de Djafenben-Sadik (à Khotan, en Chine), et désirait repartir le jour même. Durant notre conversation, sa physionomie trahissait un embarras évident, et j’ai souvent regretté que le hasard ne nous ait pas réunis une seconde fois, car je suis très-porté à croire que cet homme jouait un rôle semblable au mien.

Lorsque Rahmet-Bi s’aperçut qu’il ne pouvait fonder aucune accusation sur le témoignage de ses émissaires, il prit le parti de me mander en sa présence. Naturellement ce fut sous prétexte de m’inviter à un pilow public, où je comparus devant une espèce de tribunal composé d’Oulémas bokhariotes. J’entrevis, dès que j’arrivai

  1. Suite et fin. — Voy. pages 33, 49, 65 et 81.