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tantôt c’est un contrabandista, le trabuco à la main ; un majo coupant, avec sa navaja, le tabac destiné à sa cigarette, ou un curé coiffé d’un chapeau long et étroit comme celui de Basile. Ce sont encore des charranes, les gamins de Malaga, ou des barateros, le cuchillo dans la ceinture ; nous passerons bientôt en revue les différents types qui appartiennent particulièrement à l’Andalousie.


Les delitos de sangre. — Les serenos de Malaga. — Les gens de vida airada. — Un professeur de navaja. — Les Golpes. — La Parte alta et la Parte baja ; le Jabeque ; le Desjarretazo ; la Plumada et le Revés. — Un coup mortel : le Floretazo ; les Golpes de Costado. — Les Engaños. — Les Tretas ; quelques bottes secrètes. — L’escrilne au Puñal et au Cuchillo. — Le Molinete. — Lanzar la navaja. — Les Tijeras des Gitanos.

Si l’usage de la navaja, du puñal et du cuchillo est général d’un bout à l’autre de l’Espagne, il est certaines villes où les saines traditions se conservent plus particulièrement et où résident les profesores les plus acreditados : Cordoue et Séville possèdent des académies fort renommées ; mais nulle part l’art de manier le fer — la herramienta — n’est cultivé avec autant de soin qu’à Malaga. Peu de villes d’Espagne offrent l’exemple d’une aussi grande criminalité et d’un pareil penchant à l’homicide ; il n’est guère d’endroits où les delitos de sangre — les crimes de sang, comme on dit dans le pays — soient aussi fréquents. D’où vient cette habitude du meurtre, si générale parmi les gens du peuple ? Sans doute de l’oisiveté, de la passion du jeu et de l’ivrognerie ; car le dernier de ces trois vices est beaucoup plus répandu à Malaga que dans aucune autre ville de la Péninsule, et c’est à tel point, que les serenos, ces gardiens de nuit dont nous avons déjà parlé, et qui sont


L’escrime au couteau : Lanzar la navaja. — Dessin de Gustave Doré.


chargés de veiller à la sécurité des habitants et au bon ordre, les serenos de Malaga jouissent, sous le rapport de la sobriété, d’une réputation détestable :

En Málaga los serenos
Dicen que no beben vino ;
Y con el vino que beben,
Puede moler un molino !

À Malaga, dit le refrain populaire, les serenos prétendent qu’ils ne boivent pas de vin ; mais, avec le vin qu’ils boivent, on ferait tourner un moulin !

Faut-il attribuer encore, comme on l’a prétendu, l’issue sanglante de la plupart des querelles des Malagueños d’une certaine classe au solano, ce vent brûlant venant d’Afrique, imprégné, comme le sirocco des Napolitains, de la chaleur irritante des sables du Sahara ? Ou bien la fréquence des homicides vient-elle de l’impunité proverbiale qui semble protéger les assassins ? Mata à rey, y vete a Malaga, — tue le roi et va-t’en à Malaga, — tel est le dicton populaire.

Un fait certain, c’est que nulle part on ne trouve autant de ces gens sans aveu, gente de vida airada, comme disent les Espagnols, expression peu facile à traduire, qui signifie littéralement des gens de vie irritée : tels sont les rateros (voleurs qui travaillent isolément), les charranes et les barateros, dont nous nous occuperons bientôt particulièrement.

Bien que l’usage de la navaja soit très-répandu en Espagne parmi les classes ouvrières, les gens que nous venons de nommer font plus particulièrement métier