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mouchoir, — Je les porterai à Grenade, — Chez un bijoutier qui les enchâssera. »

Son tus labios dos cortinas
De terciopelo carmesi,
Entre cortina y cortina,
Estoy esperando el sí.

« Tes lèvres sont deux rideaux — De velours cramoisi ; — Entre rideau et rideau — J’attends le oui. »

C’est une jeune Malagueña qui s’adresse à son querido :

Como abri sin precaucion
Tu carta, dueño querido,
Se cayó tu corazon,
Mas en mi pecho ha caido ;

En él yo le he dado abrigo,
Pero no cabiendo dos
El mio te mando yo,
Y el tuyo queda conmigo.

« En ouvrant sans précaution — Ta lettre, maître chéri, — J’ai laissé tomber ton cœur, — Il est tombé dans mon sein ; — Je lui ai donné abri ; — Mais faute de place pour deux — Je t’envoie le mien, — Et le tien me reste. »

Voy à la fuente y bebo ;
No la amenoro,
Que aumienta su corriente
Con lo que lloro.

« Je vais boire à la fontaine, — Et ne peux l’épuiser, — Car j’augmente son cours — Avec les larmes que je pleure. »

Les souvenirs du temps des Mores ne sont pas rares à Malaga : plusieurs édifices ont gardé leur nom arabe, comme le castillo de Gibralfaro, la Alhondiga, la Alcazaba ; les Atarazanas, ancien arsenal moresque, ont conservé une élégante porte en fer à cheval, revêtue de marbre blanc ; de chaque côté se lisent, comme à l’Alhambra, ces deux inscriptions arabes : Dieu seul est riche, — Dieu seul est vainqueur.

Comme la plupart des villes de la côte, Malaga est une ancienne colonie phénicienne ; les Arabes s’en emparèrent après la fameuse bataille du Guadalete, et ce n’est qu’en 1487 qu’elle cessa d’être musulmane, en tombant au pouvoir des rois catholiques.


Ce n’est qu’une cinquantaine d’années plus tard que fut commencée la cathédrale, splendide édifice qui domine majestueusement le port et la mer ; un bel escalier de marbre donne accès dans la nef principale, à côté de laquelle s’élèvent parallèlement deux nefs latérales ; de chaque côté de la façade s’élèvent deux hautes tours, dont l’une est restée inachevée, comme celle de la cathédrale de Cologne ; le sacristain qui nous accompagnait se donna beaucoup de mal pour nous faire admirer les stalles du chœur, travail prodigieux, mais d’un goût médiocre ; suivant nous, la vraie manière de bien voir la cathédrale de Malaga, c’est de prendre une falua dans le port et de s’éloigner assez pour qu’on puisse apercevoir du large, au-dessus du bleu intense de la mer, la masse imposante de la cathédrale qui s’élève au-dessus des maisons blanches de la ville ; splendide tableau dont le fond est formé par les hautes montagnes derrière lesquelles se cache Grenade.

Nous trouvâmes les quais de Malaga encombrés de caisses de pasas et de tonneaux de toute dimension. Les vins et les pasas — c’est ainsi qu’on appelle les raisins secs — sont les principales productions de Malaga ; cependant n’oublions pas l’industrie des terres cuites coloriées, fort ancienne dans le pays ; c’est dans le Pasaje de Heredia que se modèlent ces statuettes, qui représentent invariablement des costumes andalous ; tantôt c’est une maja au jupon court, dansant le polo ou le jaleo ;