VOYAGE EN ESPAGNE,
GRENADE.
Le royaume de Grenade ne jouit pas encore des bienfaits des chemins de fer, et personne ne saurait dire le jour où les sifflements aigus de la locomotive viendront frapper les échos de la poétique cité des rois Maures. Peut-être, cependant, verrons-nous dans quelques années les rails prendre la place de l’arrecife arabe, et de l’impraticable camino de Carretera, que les Espagnols appellent encore avec tant de justesse camino de Perdices, — un chemin bon pour les perdrix.
Il faut pourtant bien que les partisans quand même de la couleur locale se résignent à voir entrer dans la gare de Grenade, ô profanation ! une machine toute neuve, construite exprès dans les ateliers du Creuzot ; nous offririons volontiers de parier que la locomotive, la locomotora, s’appellera Boabdil, l’Abencerrage, et peut-être même, hélas ! l’Alhambra.
En attendant ces beaux jours, les touristes doivent se contenter de l’antique diligence, et ils savent se consoler de sa lenteur en contemplant l’interminable attelage de mules qui se déroule comme un immense serpent au milieu d’un nuage de poussière, et les prodigieux exercices de gymnastique auxquels se livre tout le long de la route l’infatigable zagal. Peut-être aussi quelques-uns ont-ils nourri le secret espoir d’assister une fois dans leur vie à ce drame de grand chemin qu’on appelle l’attaque de la diligence. Cette petite émotion nous a toujours été refusée ; cependant nous avions acheté à Grenade une image à deux cuartos tout à fait séduisante représentant l’histoire de los famosos bandoleros de Andalucia ; la diligence vient d’être arrêtée ; on voit au premier plan le célèbre capitan Padilla, entouré des
- ↑ Suite. Voy. t. VI, p. 289, 305, 321, 337 ; t. VIII, p. 353 ; t. X, p. 1, 17, 353, 369, 385 et 401.