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Enfin, au-dessus du mill-stone-grit vient le terrain houiller proprement dit, coal measures ou coal fields, qui, en quelques points, n’a pas moins de douze cents mètres de puissance ou profondeur totale. On estime à trois cent mille hectares la superficie apparente de ce terrain, c’est juste celle de tous les bassins houillers de France réunis. Vers Swansea il plonge sous la mer.

Le charbon est de qualité variable, suivant les points d’où on l’extrait : dur, sec, anthraciteux, brûlant sans flamme comme le coke, à Swansea ; bitumineux, collant, bon pour la forge à Ebbw-vale. D’une mine à l’autre il passe par ces différents états dont nous avons marqué les points extrêmes. On attribue soit à l’influence, au voisinage de roches ignées, éruptives, qui se sont fait jour dans le pays à l’époque des temps géologiques, soit à une distillation lente qui paraît durer encore, ces changements d’état dans la composition chimique des charbons du bassin houiller gallois. Peut-être aussi les diverses essences végétales qui ont donné naissance à la houille sont-elles pour quelque chose dans sa qualité actuelle. Ainsi, l’un de nos ingénieurs des mines, je dirais des plus savants, des plus distingués, si je ne craignais de blesser sa trop grande modestie, M. Gruner, a prouvé dans le temps que la qualité des charbons de Saint-Étienne variait, non point précisément avec leur profondeur, c’est-à-dire leur voisinage du foyer central de la terre, les charbons les plus secs étant alors les plus bas, mais plutôt avec la position topographique que ces charbons occupaient dans le même bassin. De cette sorte ce serait la nature même des essences végétales qui aurait donné lieu à la qualité particulière des houilles qu’elles auraient formées. Cette idée est si naturelle, si juste, si plausible, qu’on s’étonne qu’elle n’ait pas été tout d’abord admise, et qu’il ait fallu un nombre incalculable d’expériences, d’analyses, faites avec ce soin que M. Gruner sait apporter en tout, pour la faire admettre. Ne voyons-nous pas aujourd’hui même la végétation d’un pays varier, indépendamment de la latitude, avec l’altitude, c’est-à-dire la hauteur au-dessus de la mer, enfin avec l’exposition et la nature du terrain ? Quoi d’étonnant qu’il ait pu en être de même à l’époque houillère, où le climat de l’Europe était si différent de celui d’aujourd’hui, et où, par conséquent, les lois de ce qu’on a nommé la géographie botanique devaient être bien plus tranchées qu’à présent ?

Les anthracites du pays de Galles renferment jusqu’à quatre-vingt-quinze pour cent de carbone fixe (sept pour cent de plus, et ce serait du diamant, sauf la cristallisation, la dureté et la limpidité), tandis que les charbons gras ou collants ne donnent que soixante-quinze pour cent. Ce n’est pas sans raison que quelques-unes de ces houilles, connues en France sous le nom de charbons de Cardiff, du nom du port principal où l’on va les charger, ont été admises chez nous avec tant de faveur pour le service des bateaux à vapeur. L’Amirauté anglaise elle-même recherche ces charbons de préférence à tous autres à cause de leur pureté et de l’absence de fumée. On comprend de quel avantage sont en mer ces deux qualités.

Parmi les empreintes fossiles que l’on découvre dans les couches houillères du pays de Galles, il y a nombre de fougères s’étalant sur la pierre en superbes rameaux et témoignant de l’antique végétation qui a formé le charbon, puis des coquilles, des restes de poissons, quelquefois entièrement conservés, et annonçant que la houille s’est déposée le long d’un rivage, dans un estuaire, où les eaux douces mêlées aux eaux salées formaient comme des marécages tourbeux.

Ce rivage était presque parallèle à celui que dessine actuellement le bord septentrional du canal de Bristol. Sur la carte de Murchison, l’area ou projection plane du terrain houiller a un aspect pyriforme ; elle finit en pointe dans la baie de Carmarthen à l’ouest, bien au delà de Swansea, et son plus grand développement est vers Merthyr Tydvil et Pontypool.

Sur toute cette étendue se succèdent les puits de mines dont quelques-uns sont des ouvrages qui méritent d’être cités. Le New navigation pit, à Mountain ash, a six mètres de diamètre intérieur, et il est divisé en quatre compartiments, deux pour la montée et la descente du charbon, le troisième pour le passage des ouvriers, le quatrième pour l’épuisement des eaux opéré par d’immenses pompes. Le puits a trois cent cinquante mètres de profondeur ; un wagon chargé de deux tonnes et demie de charbon peut le parcourir en une minute. La mine entière produit plus de mille tonnes de houille par jour. Le combustible est de qualité supérieure, brûle presque sans fumée, et, à ce titre, il a été principalement recherché par la marine française. L’Amirauté anglaise et toutes les grandes compagnies de bateaux à vapeur britanniques, la Peninsular-Oriental, la Royal mail, les Cunard lui donnent aussi la préférence.

On estime qu’il y a sur les houillères galloises trois cent cinquante puits de mines en activité, et que la production annuelle totale est de huit millions de tonnes : c’est celle de toute la France, et ce petit pays seul y suffit.

Le roi d’Aragon, Alphonse le Sage, disait que si le bon Dieu l’avait consulté quand il créa le monde, il eût pu lui donner d’utiles avis. De même, si ce grand roi avait été présent quand la Providence créa les mines, il aurait pu lui conseiller sagement de se montrer un peu moins prodigue pour l’Angleterre et un peu plus juste pour la France. Si l’Angleterre produit huit fois plus de charbon que nous, et quatre fois plus de fer, c’est qu’elle a été, dans le premier cas, huit fois plus favorisée, et quatre fois dans le second. Elle a, de plus, en abondance le plomb et l’argent, que nous possédons à peine, l’étain et le cuivre dont nous avons peu ou prou. Ne vient-on pas d’y découvrir, dans le pays de Galles justement, de riches mines de quartz aurifère, avec lesquelles on fera peut-être concurrence à l’Australie. L’Angleterre n’a-t-elle pas enfin des mines de cobalt, de bismuth, de nickel, rassemblées sur son sol