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d’exploration pénible, plein de lenteur, et qui nous mettait à la merci de populations dont nous ne tardâmes pas à constater les sentiments hostiles.

Le village de Dambo était heureusement bien disposé pour les Européens. Son chef Ngowa Akaga nous accueillit avec cordialité, nous en fit avec bonhomie les honneurs, et le soir vint visiter le Watanga, c’est-à-dire le grand navire des blancs ; il se montra modéré dans ses étonnements et réservé dans ses expressions laudatives, ce qui était de sa part une véritable discrétion, car la louange est souvent chez le noir le langage de la convoitise. Il mit à notre disposition une de ses plus grandes pirogues avec deux hommes de son village, et le lendemain nous partîmes, M. Serval et moi, n’emmenant avec nous que quelques matelots noirs. Le Pionnier rebroussa chemin pour aller nous attendre dans des eaux plus profondes.

Je ne veux pas relater tous les incidents de ce voyage fatigant qui ne dura qu’une vingtaine de jours, il est vrai, mais sans aucun repos.

Nous partions le matin de très-bonne heure ; nous nous arrêtions dans quelque village pendant la plus forte chaleur de la journée, pour repartir immédiatement après et aller passer la nuit dans un village plus éloigné. Notre apparition avait mis la rivière en émoi. Poussés par la curiosité, alléchés par l’espoir de quelques


Fans ou Pahouins. — Dessin de Castelli d’après une photographie de M. Houzé de l’Aulnoit.


cadeaux, tous les chefs voulaient nous voir et nous eûmes bientôt la preuve qu’il était peu prudent de les contrarier.

Nous venions de dépasser, sans le voir, le village important d’Aroumbé, et nous nous étions arrêtés pour donner du repos à nos hommes, quand arrivèrent une demi-douzaine de pirogues pleines de gens armés. Ils venaient nous inviter à retourner sur nos pas, et au besoin tenter de nous y contraindre. Quelques instants après arrivaient du côté opposé les pirogues d’un village que nous ne devions pas tarder à atteindre et qui venaient au-devant de nous. Il y eut grand palabre entre les deux troupes, et nous pûmes croire un instant que ce débat à main armée allait devenir sérieux. Enfin tout se calma. Aroumbé se passa de notre visite, qui lui fut annoncée pour notre retour seulement ; mais ses gens s’en allèrent rancune tenante, et il fut clairement établi qu’à moins de nous créer chaque jour de nouveaux embarras, il fallait descendre à tous les villages importants.

Nous avons ainsi visité successivement Gamby, Atchanka, Igané, habités par des populations originaires de la côte et venues évidemment par l’embouchure méridionale, tandis que, celles de Dambo et d’Aroumbé que nous avions rencontrées jusque-là sur la rive droite, avaient des relations de parenté manifestes avec les Gabonais, et avaient dû remonter le fleuve par sa branche nord, la rivière Nazaré. Puis nous nous trouvâmes au