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Bananiers fétiches de la rivière Ogo-Wai (voy. p. 315). — Dessin de Thérond d’après un croquis de M. Griffon du Bellay.


LE GABON,


PAR LE Dr  GRIFFON DU BELLAY[1], MÉDECIN DE LA MARINE.


1861-1864. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.




Visite aux Fans ou Pahouins. — Simplicité du costume. — L’Ito. — Armes singulières. — Flèches empoisonnées. — Danses guerrières. — Cannibalisme. — Le gorille. — Chasse aux éléphants.

Des villages bakalais aux villages pahouins il n’y a qu’un pas. Le premier que je visitai en 1862, en compagnie de deux officiers de la division navale, venait de s’établir tout récemment sur les bords d’un canal tortueux affluent de la rivière Como.

Après mille détours dans cette espèce d’arroyo, nous arrivâmes devant une pointe culminante. Une case qui s’y trouvait pouvait passer pour la hutte de quelque indigène ami de la solitude, mais était en réalité le poste avancé d’un village que les arbres nous cachaient encore et qui se tenait sur la défensive. On nous avait bien dit que les Pahouins, race véritablement guerrière, étaient toujours sur leurs gardes et difficiles à surprendre. En effet le tertre se couronna subitement d’une multitude de guerriers, grands et petits, car les enfants eux-mêmes accouraient maniant des sagayes proportionnées à leur taille. Au milieu d’eux apparut le chef portant en javelines et couteaux de guerre tout un arsenal. C’était un homme d’une quarantaine d’années environ, grand, vigoureux, le visage osseux, le front saillant, les tempes aplaties et élargies par la section des cheveux, bien bâti quoique avec des bras longs et grêles, et la poitrine tatouée de fort laides cicatrices. Pour tout costume il portait une peau de bête fauve à la ceinture. Son accueil fut plus que froid, mais l’éloquence de notre interprète et surtout l’espoir de quelques cadeaux déridèrent sa physionomie. D’ailleurs, si ces gens n’avaient jamais vu de blancs, ils n’ignoraient pas notre existence, et notre visite sans être attendue ne les surprenait qu’à demi. Quelques feuilles de tabac distribuées à la ronde mirent tout le monde de bonne humeur ; les visages s’épanouirent et nous montrèrent de formidables rangées de dents limées et pointues, dont l’aspect s’accommodait on ne peut mieux à la réputation cannibale des gens qui en étaient armés. La glace était rompue, et le cercle farouche s’ouvrit devant nous.

Le village, qui était à deux pas de là, pouvait passer comme du reste la plupart de ceux des Pahouins pour une espèce de forteresse. Les deux ou trois cents cases qui le composaient faisaient deux lignes continues parfaitement parallèles, bordant une large rue dont un corps de garde barricadait chaque extrémité. Sa population était vraiment remarquable et d’un type tout particulier. Il est impossible d’ailleurs de ne pas être frappé tout d’abord de l’originalité de cette race pahouine.

  1. Suite et fin. — Voy. pages 257 et 273.