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geuses du Gabon, c’est un arbuste de deux mètres cinquante de hauteur, peu rameux, peu feuillu, et terminé par une longue racine pivotante que recouvre une écorce d’un rouge très-vif.

C’est cette écorce qui jouit des propriétés les plus actives. Étudiée par M. Martin, pharmacien de la marine, elle lui a présenté les réactions caractéristiques de la strychnine. Quand on veut en faire usage, on en rape dans un vase à peu près le tiers d’un verre ordinaire ; puis on verse dessus environ un demi-litre d’eau qui prend rapidement la teinte de l’écorce. Quand cette coloration est complète le poison est à point.

M. du Chaillu est le seul voyageur qui ait assisté à l’administration du m’boundou dans des villages de l’intérieur. Dans un des cas dont il dit avoir été témoin, la mort se produisit au bout de cinq minutes ; le sang sortait par les yeux et par les oreilles du supplicié, détail qui semble assez extraordinaire pour ne pas dire plus. Une autrefois il le vit prendre volontairement par un vieux féticheur nommé Olanga qui voulait accroître son crédit, car l’individu qui boit impunément ce poison acquiert infailliblement le don de divination. Je laisse ici la parole au voyageur.

« Le poison fut préparé non pas devant Olanga, il n’avait pas le droit d’y assister, mais devant deux amis chargés par lui de veiller à ce que tout se passât dans les


Village gabonais au milieu des bois. — Dessin de Thérond d’après une photographie de M. Houzé de l’Aulnoit.


règles. Quand tout fut prêt, on l’appela ; il prit la tasse et la vida tout d’un trait. Au bout de cinq minutes l’effet se produisait déjà. Olanga commença à chanceler, ses yeux s’injectèrent de sang et ses membres se contractèrent convulsivement. Il se manifesta en même temps un symptôme qui fit pressentir que le poison ne serait pas mortel. Ce symptôme est une abondante évacuation liquide sans laquelle il n’y a rien de bon à augurer. Tous les mouvements d’Olanga étaient ceux d’un homme ivre ; il tint les propos les plus désordonnés, si bien qu’on s’imagina que l’inspiration lui arrivait, puis il tomba dans un état d’ivresse complète. Ce vieux docteur pouvait, disait-on, avaler du poison à des doses considérables sans en ressentir d’autres effets que cette pesante ivresse, privilége qui l’a mis naturellement en grande réputation. »

Cette description de M. du Chaillu, conforme aux récits que font les indigènes quand ils consentent à parler de ce sujet, rappelle assez bien les effets principaux des préparations de strychnine. Mais il est clair que l’individu accusé de sorcellerie et voué d’avance à la mort, boit une dose de poison plus forte que le féticheur, ou bien que celui-ci sait se prémunir contre ses effets par quelque contre-poison. On suppose que l’ingestion préalable d’une grande quantité d’huile de palme suffit pour neutraliser l’action de l’icaja. Ce moyen n’est pro-