Page:Le Tour du monde - 12.djvu/284

Cette page n’a pas encore été corrigée


un héros de roman très-présentable. Malheureusement il y avait une tache à son aventure ; il ne s’était pas contenté d’enlever son Hélène, il avait en même temps emporté dans sa pirogue le mobilier du mari. Poursuivi par celui-ci, il avait été repris et attaché à un poteau. Il y était depuis plusieurs jours, méditant sans doute sur les inconvénients du métier d’homme à bonne fortune. Puis il devait payer je ne sais quelle rançon, sous peine d’être vendu comme esclave au bénéfice du mari. Quant à la coupable, elle expiait sa faute dans une case voisine, la tête rasée, un pied passé à travers une énorme poutre, et recevant sans doute de temps à autre quelque correction conjugale.


La pêche à l’Igongo. — Plantes textiles. — Le chanvre. — Manière dont le Gabonais entend le commerce. — Esclavage. — Les chefs de villages. — Le roi Denis.

Ainsi, pour les hommes le sommeil, pour les femmes la préparation des aliments, les soins de la toilette, des intrigues plus ou moins transparentes ; pour tous, la pipe et le tabac ; tels sont les éléments de la vie intérieure des M’Pongwés. Des visites de case en case, des bavardages perpétuels, quelques transactions avec les Européens, un peu de pêche, la moins fatigante possible, complètent l’existence du village. Les grandes cultures se font aux habitations, la récolte du caoutchouc dans les bois, la traite de l’ébène, des dents d’éléphant et du


Établissement de la Mission catholique au Gabon. — Dessin de Thérond d’après une photographie de M. Houzé de l’Aulnoit.


bois rouge dans les villages des autres tribus placées sur les lieux de production.

La pêche se fait aujourd’hui au filet ; mais il y a peu de temps encore on y employait un procédé qui a son analogue dans certaines parties de l’Europe, et qui consiste à empoisonner ou tout au moins enivrer le poisson avec des substances végétales qui n’altèrent pas ses qualités comestibles. En Europe, c’est la coque du Levant qui sert à cet usage. Au Gabon, c’est quelquefois une liane nommée onôno, et plus souvent une belle légumineuse à fleurs jaunes, l’igongo, que l’on cultive sur les habitations et qui aura sans doute suivi les migrations des tribus venues de l’intérieur. Rien de plus facile que cette pêche. Je l’ai fait pratiquer un jour devant moi dans une large nappe d’eau laissée au milieu des rochers de la plage par le retrait de la mer. Quelques poignées de feuilles y furent malaxées ; tout le menu fretin qui s’y trouvait monta immédiatement à la surface et mourut ; un moment après une sorte de lamproie vint aussi bâiller au grand air et se laissa prendre avec la plus grande facilité. C’était tout ce que contenait le bassin, et malgré ce rapide empoisonnement, le poisson était excellent.

Mais on comprend que ce procédé n’est applicable ni à la mer ni aux cours d’eau d’un certain volume ; aussi les Gabonais y ont-ils à peu près renoncé depuis que les Européens leur ont appris à garnir leurs filets avec du plomb et, par conséquent, à en tirer un parti plus utile.