Page:Le Tour du monde - 12.djvu/280

Cette page n’a pas encore été corrigée


grande communication. C’est d’ailleurs, à marée basse, la promenade la plus agréable du pays.

Des groupes de négresses y circulent en bavardant. Les jeunes filles marchent d’un pas relevé, car leur costume ne les gêne pas. Un pagne de cotonnade noué autour des hanches et tombant jusqu’à mi-jambes, en fait tous les frais. Dans les grandes circonstances, une autre pièce d’étoffe, drapée sur une épaule, descend presque sur le sol ; elles sont en toilette. Les femmes mariées sont moins accortes ; elles marchent en se dandinant pesamment sur les hanches. Ce n’est pas que leur costume soit beaucoup plus compliqué, mais elles portent aux jambes une multitude de gros anneaux de cuivre ou barrettes étagées depuis les chevilles jusqu’aux genoux. Ces espèces de bottes métalliques, véritables boulets qu’elles traînent après elles, alourdissent leur allure, pèsent sur la cheville et produisent de douloureuses excoriations. La mode a partout ses martyrs. Parfois on rencontre ces pauvres femmes portant sur leur dos de lourds fardeaux, ce sont les bêtes de somme du pays. Les maris les suivent en activant leur marche, fumant leurs pipes, mais ne portant rien.

Tous ces gens-là vont sans se presser, arrêtent tous les passants, saluent les Européens d’un « m’bolo » amical, — c’est la formule de politesse réglementaire, — s’arrêtent à chaque pas pour bavarder, car à l’exception des femmes chargées, nul n’est pressé d’arriver, personne n’ayant rien à faire.

La race M’pongwé est assez belle. Voici le portrait qu’en a tracé M. le docteur Lestrille, dans la Revue coloniale de 1856 : « Le M’pongwé est généralement grand et bien proportionné. Les saillies dessinées par ses muscles dénotent de la vigueur. La jambe est mieux faite qu’elle ne l’est habituellement chez les noirs ; le pied est plat, mais le cou-de-pied est cambré ; la main est petite et parfaitement attachée ;


Factorerie anglaise de Glass. — Dessin de Thérond d’après une photographie de M. Houzé de l’Aulnoit.


l’humérus est trop court proportionnellement à l’avant-bras. Les yeux sont en général beaux et expressifs ; le nez peu ou point épaté ; la bouche médiocrement fendue ; la lèvre inférieure est épaisse sans être pendante ; les dents sont habituellement belles et bien rangées ; la forme prognate de la face est très-rare. Leur couleur est plutôt bronzée que noire (elle se rapporte aux tons indiqués aux numéros 41, 42 et 43 du tableau chromatique publié par la Société d’anthropologie de Paris). Le système pileux est relativement développé ; la plupart se rasent une partie des cheveux en figurant des dessins variés ; beaucoup sont complétement dépourvus de barbe. Enfin leur poitrine est large et bien développée.

« Les femmes sont généralement petites. Elles ont les extrémités fines et délicates ; la main surtout est parfois réellement élégante.

« Hommes et femmes ont la poitrine nue. Les dames la couvrent de colliers de perles dont les couleurs sont souvent assorties avec beaucoup de goût. À ces colliers sont attachés de petits fétiches plus ou moins précieux ; souvent aussi, la grande femme, celle qui est réellement maîtresse au logis conjugal, y suspend les clefs de ses coffres. Enfin elles portent d’énormes boucles d’oreilles qu’on leur fabrique en Europe sur un modèle invariable ; des bracelets de cuivre, et des bagues, non-seulement aux mains, mais même aux gros orteils. »

Voila les gens qu'on voit défiler auprès de soi quand on parcourt la plage du Gabon ; le spectacle est peu varié, car la population est rare, et la circulation peu active. Heureusement le panorama récrée un peu la vue. La mer est toujours belle à voir par une chaude soirée des tropiques, surtout quand les yeux éblouis peuvent se reposer de son éclat sur une lisière de verdure. De magnifiques liserons à feuilles charnues s’allongent sur le sable comme s’ils voulaient le disputer