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avons également visité une partie absolument inconnue du fleuve Ogo-Wai. Je raconterai cette exploration, quand j’aurai montré ce qu’est le Gabon proprement dit, et par quels gens il est habité.

La population de ce pays se divise en quatre groupes parlant des langues différentes : les M’Pongwés ou Gabonais proprement dits, établis au bord de la mer et à l’entrée des rivières ; les Shékianis, qui habitent les terrains boisés environnants, et auxquels pour ce motif les Gabonais ont donné le nom de Boulous que nous avons adopté et qui signifie hommes des bois ; les Bakalais, et enfin les Fans, ou Pahouins. Ces quatre races ne sont pas originaires du pays ; elles viennent de l’intérieur. Les Pahouins, dont les appétits cannibales ne sont que trop authentiques, sont la plus remarquable et la moins connue. Ils n’ont fait leur apparition que depuis quelques années, venant directement de l’est, poussant devant eux les Bakalais et se rapprochant rapidement de notre territoire dont ils formeront un jour la population la plus importante.

Ces migrations sont communes à la côte d’Afrique. C’est évidemment le désir de commercer directement avec les Européens qui attire ces populations vers la mer, source de toutes richesses. Nous y gagnons de pouvoir examiner de près des races dissemblables ; mais elles-mêmes y perdent rapidement leur originalité. Trouvant dans de faciles échanges commerciaux tout ce qui peut satisfaire leurs besoins, elles perdent leurs usages traditionnels et caractéristiques, oublient leurs anciennes industries, et altèrent même, par des unions étrangères leur cachet originel.


Les M’Pongwés. — Leurs villages. — Intérieur d’une case. — Toilette des femmes. — Polygamie. — Dure condition des femmes. — Compensations. — La grande femme. — Le conguié.

C’est au milieu des M’Pongwés que nous sommes établis. Ce n’est pourtant pas eux que l’Européen voit les premiers quand il met le pied au Gabon. Soit qu’il débarque à l’établissement français ou devant les factoreries anglaises de Glass, les gens affairés, au type nègre fortement accusé, qu’il rencontre tout d’abord déchargeant des navires ou embarquant dans des pirogues les produits du pays, ne sont pas des M’Pongwés ; ce sont des Krowmen, véritables portefaix de la côte d’Afrique que l’on recrute à trois cents lieues plus au nord au moyen d’engagements toujours respectés, et qui mettent à la disposition des Européens une vigueur et une honnêteté bien rares parmi les populations africaines. Ce n’est pas parmi ces infatigables travailleurs qu’il faut chercher le Gabonais. Homme indolent et sans ressort, il sait très-bien répondre quand on lui propose un labeur un peu sérieux : « Ça, travail pour Krowman, » ou mieux encore : « Travail pour Blanc ; » selon lui, le bon Dieu ne veut pas que les M’Pongwés travaillent. C’est donc dans son village qu’il faut aller le chercher, ou bien sur la plage qui lui sert de grand’route, car en sa qualité de courtier maritime (c’est son métier quand il en a un), il a son village au bord de l’eau, sa pirogue est son unique véhicule et la plage est son chemin de