qui se couvrent deux fois par an d’une riche moisson de
fleurs orangées. Tout cela donne à cette baie un aspect
qui séduirait s’il était plus vivant. Mais ce n’est qu’un
tableau de nature morte, ou peu s’en faut, richement
encadré. Dans quelques coins de ce tableau, un peu de
vie s’est pourtant réfugiée : à Glass, autour de deux ou
trois factoreries, et surtout à l’établissement français.
C’est là que réside le commandant particulier placé sous l’autorité supérieure du chef d’escadre. Autour de lui sont groupés les bureaux, les magasins, les ateliers, tout ce qui constitue enfin un établissement maritime au petit pied. Près de lui vivent, sous son égide, quelques factoreries françaises, une maison d’éducation tenue par des religieuses de Castres, et enfin Libreville, village qui a été fondé en 1849 avec des noirs du Congo provenant d’un négrier récemment capturé. Une petite garnison de soldats noirs, empruntés au bataillon de tirailleurs sénégalais, est là pour appuyer l’autorité du commandant. Mais les indigènes songent si peu à la contester, qu’il suffirait, pour la faire respecter, de la garnison que Bachaumont trouva jadis à Notre-Dame de la Garde :
Un suisse avec sa hallebarde
Peint sur la porte du château.
Tel est l’établissement que la France possède sur cette côte, et dont la plupart de nos compatriotes ignorent même l’existence. Fondé pour servir d’appui à notre marine de guerre et pour favoriser les essais d’un commerce qui a prospéré assez bien entre les mains des Anglais, mais qui est resté dans les nôtres timide ou malheureux, ce n’est pas la faute du gouvernement si son but militaire a seul été rempli et si la protection de notre pavillon n’a guère à couvrir que des intérêts étrangers.
La région gabonaise, coupée par la ligne équatoriale, correspond exactement à celle des grands lacs parcourue
Vue du comptoir du Gabon en 1861 : Parc à charbon. — Dessin de Thérond d’après une photographie de M. Houzé de l’Aulnoit.
par Speke et Burton, sur la côte orientale, et d’où sortent
les principales sources du Nil[1]. Comme cette région,
aujourd’hui si célèbre, c’est un pays de chaleur et de
grandes pluies. Quand j’y arrivai, au commencement de
septembre 1861, la belle saison finissait. La chaleur
n’était pas excessive, elle était tempérée le soir par des
brises de mer ; les nuits étaient fraîches sans humidité ;
c’était un état très-supportable, le plus difficile pouvait
s’en accommoder. Mais malheureusement cette belle saison
durait déjà depuis trois mois et le retour des pluies
était annoncé pour le 15 septembre. Avec une singulière
régularité qui ne se démentit pas pendant trois années
consécutives, elles arrivèrent à jour fixe. Fines d’abord
et peu abondantes, elles durèrent jusque dans les premiers
jours de janvier. Puis elles cessèrent pendant six
semaines environ, période connue dans le pays sous le
nom de petite saison sèche, et qui, pour n’être pas pluvieuse
en effet, n’en est pas moins humide, lourde à supporter
et féconde en maladies graves. Après ce temps
d’arrêt elles recommencèrent, tombant par torrents, accompagnées
d’interminables et magnifiques orages, et
exerçant sur la santé les plus déplorables effets. Après
quoi trois mois de sécheresse vinrent pomper jusqu’à la
dernière goutte cette cataracte annuelle.
Ainsi, sept mois de pluies, dont quatre de déluge, tel est le climat du Gabon.
Malgré sa position équatoriale, la chaleur n’y est pas excessive, mais elle est constante. Le thermomètre y monte rarement au delà de trente-trois degrés, mais plus rarement encore il descend au-dessous de vingt-trois. La moyenne habituelle est de vingt-huit degrés, ce qui constitue déjà une température assez élevée que l’humidité et surtout la tension électrique de l’air achèvent de rendre insupportable. Ces fâcheuses condi-
- ↑ Voyez la table du volume de 1864.