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née en spirale et d’une consistance éburnée, comme celle que la Fable a placée sur la tête de l’animal fantastique appelé Licorne. Chez la femelle les deux dents avortent et ne font pas saillie hors de leur alvéole. Malgré la redoutable lance dont le narval est armé, c’est un animal inoffensif, car il se nourrit de petits poissons et de mollusques. Un autre cétacé qui se rapproche des baleines est l’hyperodon, à bec Hyperadon borealis Nils. (H. rostratum Wesm.) ; il n’a point la dent du narval, mais simplement un museau proéminent. C’est un animal qui ne dépasse jamais huit mètres de longueur et dont la peau est d’un noir uniforme sur tout le corps : la nageoire dorsale s’élève au commencement du tiers postérieur du corps. Les dents sont à peine visibles et tombent de bonne heure. La langue est soudée à la mâchoire inférieure. Cet animal se nourrit également de poissons, de mollusques et d’holothuries.

On a souvent fait observer que les plus grands animaux de la création sont les cétacés des mers polaires en général et les baleines en particulier. Deux espèces fréquentent habituellement les parages du Spitzberg. La première est le Gibbar ou Rorqual du Nord (Balænoptera boops. L.). C’est le plus long des animaux, car il en est qui mesurent trente-quatre mètres de la tête à la queue, et la plupart en mesurent vingt-cinq à trente. Mais sa grosseur n’est pas proportionnelle à sa taille, car ce rorqual est le moins massif des cétacés ; son corps pour ainsi dire cylindrique se confond avec une tête allongée qui forme presque le quart de la longueur totale de l’animal. Des plis longitudinaux, dont l’usage est inconnu, s’étendent du bord de la mâchoire jusqu’au nombril, et sur le dos s’élève une grande nageoire formée de graisse qui lui a valu le nom de gibbar et de balænoptère. Des fanons garnissent sa bouche et il se nourrit de petits poissons et de mollusques. Plus sauvage que la baleine il est plus difficile à harponner. Sa peau donne moins d’huile ; aussi les baleiniers le poursuivent-ils avec moins d’acharnement et seulement à défaut de baleine franche. Quelques individus échoués sur les côtes de l’Océan en hiver ont été décrits par divers auteurs. Ces accidents prouvent que le rorqual du Nord entreprend de longs voyages dans les parties tempérées de l’Atlantique.

Les mers du Spitzberg nourrissent une autre espèce de balænoptère très-semblable à la précédente, mais que quelques naturalistes en distinguent sous le nom de rorqual géant[1] ; il en est encore une troisième, la plus petite de toutes ; c’est le rorqual à museau pointu[2], cétacé de dix mètres de long : comme les deux autres il présente des plis sous la poitrine et sous le ventre. Ses fanons, au lieu d’être noirs comme ceux des autres rorquals et de la baleine, sont d’un blanc jaunâtre. Même genre de vie que ses congénères.

Ours blancs chassant le phoque. — Dessin de V. Foulquier.

Nous n’avons plus à parler que de la baleine franche[3], le plus grand et le plus gros des animaux de la création actuelle : elle se distingue des rorquals par l’absence de nageoire dorsale et de plis sous le ventre, des hyperodons parce que sa gueule est garnie de fanons et non de dents.

La baleine du Nord atteint souvent vingt mètres de long, sa tête forme le tiers de la longueur de l’animal. Son poids moyen peut être estimé à cent mille kilogrammes. Les nageoires ont trois mètres de long sur deux de large. La peau avec sa graisse offre une épaisseur de vingt à cinquante centimètres. Les fanons qui garnissent la gueule ont de trois à cinq mètres de longueur. Cet être gigantesque ne se nourrit que de petits animaux marins tels que des méduses, des crustacées, des seiches et surtout la Clio boréale, petit mollusque à deux nageoires qui fourmille dans les mers du Nord. La baleine ouvre sa large gueule en nageant avec rapidité ; les petits animaux engloutis dans ce gouffre béant ne peuvent en sortir, retenus qu’ils sont par les fanons ; alors le colosse ferme sa gueule, rejette l’eau par ses évents et avale ensuite les milliers de petits animaux marins prisonniers entre ses mâchoires.

Jadis la baleine était très-commune sur les côtes occidentales du Spitzberg, spécialement entre le soixante-

  1. Balænoptera gigas, Eschr.
  2. Balænoptera rostrata, Fabric.
  3. Balæna mysticetus, L.