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une plaine argileuse, aussi est-elle profonde, et il ne fallait pas songer à la passer à gué. Il fallait recourir à l’hokoumada (peau de bœuf sèche), procédé primitif dont voici la description :

Une peau roidie est relevée par les bords de manière à former une sorte de nacelle, un homme passe la rivière à la nage en tenant le bout d’une corde dont l’autre extrémité est attachée à ladite nacelle où le passager s’accroupit en ayant soin de ne pencher d’aucun côté, puis l’hokoumada est lancée et l’homme à la corde la tire doucement à lui, pendant qu’un second nageur la pousse et la maintient en équilibre. Le premier qui se risqua fut mon domestique Enghedda ; mais la nacelle fut mal manœuvrée, prit l’eau par un des coins et coula comme un plomb. Les servantes se mirent à hurler ; trois hommes, moins sensibles et plus sages, se jetèrent à l’eau et repêchèrent en quelques secondes Enghedda qui avait passé un mauvais quart d’heure, ou plutôt de minute.

Mon monde était très-ému et murmurait contre ce


L’auteur traversant la Goanta en hokoumada. — Dessin de Émile Bayard d’après un croquis de M. G. Lejean.


qu’on regardait comme un caprice absurde de ma part ; c’était le moment de leur relever le moral, d’autant mieux qu’avec six ou sept bons nageurs devant cette rivière de dix mètres de large, le danger était bien imaginaire.

Le hokoumada était revenu, de mon côté ; je ne fis pas de phrases, mais j’y entrai, je passai sans encombre, et en arrivant à l’autre bord je me retournai en riant vers ma troupe, qui me prouva par ses joyeuses exclamations que la mésaventure d’Enghedda était oubliée.

Dix minutes après, nous étions tous passés ; je donnai un beur (talari) aux paysans qui nous avaient aidés, et nous nous dirigeâmes vers la Goumara que nous devions passer un peu plus bas au moyen d’une tankoa servant de bac et établie à poste fixe.

Voici ce que c’est que la tankoa.