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au-dessus de la mer, MM. A. et H. Schlagintweit ont recueilli autour de cette station sur le gneiss quarante-sept plantes phanérogames, dont dix font partie de la Flore du Spitzberg.

La proportion des plantes du Spitzberg est également de vingt-deux pour cent comme aux Grands-Mulets, et Cerastium latifolium, Salix herbacea, Luzula Spicata et Agrostis rupestris, sont les seules plantes laponnes étrangères au Spitzberg. Les trente-trois autres espèces sont exclusivement alpines.

Au point culminant du col Saint-Théodule, qui mène de la vallée de Zermatt, en Valais, dans le val Tornanche, en Piémont, se trouve encore un îlot dépourvu de neige, mais entouré de tous côtés d’immenses glaciers. C’est là que de Saussure séjourna en 1789.

Ce point est situé à 3 350 mètres au-dessus de la mer. Je le visitai avec MM. Q. Sella et B. Gastaldi, le 17 septembre 1852, et j’y recueillis sur les schistes serpentineux les plantes suivantes, dont M. Reuter a bien voulu vérifier les déterminations :


Végétaux phanérogames du point culminant du col Saint-Théodule.

Ranunculus glacialis, L. ; Thlaspi rotundifolium, Gaud. ; Draba pyrenaica, L. ; D. tomentosa, Wahl. ; Geum reptans, L. ; Saxifraga planifolia, Lap. ; S. muscoides, Wulf. ; S. oppositifolia, L. ; Pyrethrum alpinum, Willd. ; Erigeron uniflorus, L. ; Artemisia spicata, L. ; Androsace pennina, Gaud. ; Poa laxa, Haencke.


Cette liste est loin d’être complète, et cependant sur treize plantes il y en a trois, imprimées en italiques, qui se retrouvent au Spitzberg. Je désirerais vivement que quelque jeune botaniste, suisse ou italien, prît à tâche de faire la Florule de cette intéressante localité. Cela serait d’autant plus facile qu’il y existe depuis dix ans un petit hôtel dans lequel M. Dollfuss-Ausset a séjourné en 1864, du 22 août au 3 septembre : la température la plus élevée qu’il ait notée à l’ombre a été de +6°,2, et la plus basse de −16°,0. On voit que le climat est d’une rigueur qui ne le cède en rien à celui du Spitzberg, et il est très-probable que des herborisations attentives faites dans les mois de juillet, d’août et de septembre fourniraient une notable proportion d’espèces indigènes au Spitzberg et dans la Laponie septentrionale.

Ce chapitre ne serait pas complet si nous ne jetions pas un coup d’œil sur les Pyrénées pour savoir si la Flore arctique y a laissé quelques représentants depuis le retrait des glaciers qui, dans cette chaîne comme dans les autres, descendaient jusque dans les plaines de la France et de l’Espagne.

La végétation des Pyrénées ressemble beaucoup à celle des Alpes. M. Zetterstedt compte en tout soixante-huit plantes alpines communes aux Pyrénées, aux Alpes et aux montagnes de la Scandinavie et une seule le Menziezia (Phyllodoce) cœrulea qui ne se trouve qu’en Scandinavie et dans les Pyrénées.

Ramond, après trente-cinq ascensions faites au pic du midi de Bagnères, en quinze années, et comprises entre le 20 juillet et le 7 octobre, s’est appliqué à recueillir toutes les plantes du cône terminal dont la hauteur est de seize mètres, le sommet à 2 877 mètres au-dessus de la mer et la superficie de quelques ares seulement : il y a observé soixante et onze plantes phanérogames. La liste est bien complète, car les recherches ultérieures des botanistes ne l’ont point accrue. M. Charles Desmoulins, qui fit l’ascension le 17 octobre 1840, ne cite que le Stellaria cerastoides qui avait échappé aux yeux perçants de Ramond. Sur ces soixante-douze plantes végétant entre 2 860 et 2 877 mètres, il y en a trente-six qui existent également sur le Faulhorn : c’est le fonds commun de la végétation des hauts sommets, et sept : Poa cenisia, Oxyria digyna, Erigeron uniflorus, Draba nivalis, Arenaria ciliata, Silene acaulis, Saxifraga oppositifolia, se trouvent à la fois sur le Pic du midi par 43 degrés de latitude au-dessus de 2 860 mètres et au Spitzberg sous le 78e degré au bord de la mer. Relativement au nombre total des espèces, la Flore du pic du Midi est plus riche en plantes arctiques que celle du Faulhorn, car leur proportion est de dix pour cent au lieu de six comme sur le sommet alpin. Faut-il attribuer cette différence à la plus grande élévation du pic ou à d’autres circonstances liées à la distribution originaire des végétaux, c’est ce que personne ne saurait dire dans l’état actuel de nos connaissances ; mais cette ressemblance dans la végétation des deux sommets éloignés, prouve une communauté d’origine, et par conséquent un fonds commun de végétation qui a été modifié ensuite par des circonstances dépendantes du climat, de la position géographique, du mélange avec des plantes de pays voisins ou même avec les espèces dérivées de celles des dernières Flores géologiques dont nous retrouvons les restes dans les terrains les plus récents. Toutes ces considérations justifient l’énoncé par lequel je commençais ce chapitre : « La plupart des plantes du Spitzberg sont les enfants perdus de la Flore européenne et un certain nombre d’entre elles se sont maintenues depuis l’époque glaciaire sur les sommets des Alpes et des Pyrénées, et dans les localités humides ou tourbeuses de l’Europe moyenne. »


Faune du Spitzberg. — Mammifères.

Parlons d’abord des mammifères terrestres, qui ne sont qu’au nombre de quatre. L’ours blanc (Ursus maritimus L.) est le plus commun. Rare sur les côtes en été, il ne se voit guère qu’au nord du Spitzberg. Parry en a rencontré un sur la banquise par 81° 30′ de latitude, dans sa tentative pour atteindre le pôle en marchant sur la glace. L’animal fut tué par les matelots ; mais, de leur côté, les ours se vengèrent. Lorsque Parry et ses compagnons foulèrent de nouveau la terre, le 11 août 1827, en abordant à Ross-Inlet, après avoir cheminé sur la banquise pendant quarante jours, les provisions avaient été mangées par des ours. Nelson, qui fit l’expédition de Phipps comme midshipman, soutint seul un combat contre un ours, et quand on demandait à cet adolescent grêle et délicat, qui devait devenir un jour le premier