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Route aux environs de Volmar (Livonie). — Dessin de d’Henriet.


VOYAGE DANS LES PROVINCES RUSSES DE LA BALTIQUE,

LIVONIE, ESTHONIE, COURLANDE[1],


PAR M. D’HENRIET.


1851-1854. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


II (suite.)

Que faire ? Il revint chez moi.

« Que veux-tu ? Le médecin de la police, les officiers, le pope ont dit que tu es mort ; ta femme aussi l’a dit.

— C’est une femme ; elle ne sait ce qu’elle dit.

— C’est écrit et parafé. Tu es un vagabond.

— Saints du paradis, je n’ai pas d’argent, mais je n’ai pas vagabondé. Si j’avais appris ma mort auparavant, j’en aurais profité, je ne serais pas entré ici : j’aime autant n’être plus soldat. Et pourquoi un vagabond, un coureur ? Tenez, on me connaît à la police. Je suis allé chercher ma femme, qu’on ne m’a pas retrouvée.

— Je crois bien qu’on ne l’a pas retrouvée ; ils lui ont donné à la police un diplôme de veuve ; mon ami, tu as perdu ta femme ; il faut t’en consoler ; elle est remariée.

— Ah ! bien, je comprends maintenant, dit Dmitri, c’est Marsa qui m’a fait mourir : elle voulait épouser l’autre, et ça ne se pouvait pas. C’est péché de dire comme il se fait des choses. »

Dmitri avait raison. Il n’ignorait pas les transactions de la police avec ses commettants. La veuve aura donné quelques roubles ; le mari ne s’est pas douté de sa propre mort, connue seulement de ses chefs.

Un instant il eut l’air de vouloir reprendre sa femme, mais je lui dis que cela était impossible, puisque le pope l’avait unie à un autre.

« Cela ne fait rien, reprit-il ; je crache sur elle. » Et il s’en alla tranquillement.

Cette histoire nous avait paru intéressante.

« En voici une autre, nous dit l’officier : ce n’est pas à moi qu’elle est arrivée, elle n’en est pas pour cela moins vraie.

« Je sais un général, qui était en mission non loin d’ici, il n’y a pas fort longtemps. Les fleuves n’étaient pas encore entièrement gelés. Il était tombé de grandes pluies ; les eaux débordaient. Le général arriva au bord d’une

  1. Suite et fin. — Voy. pages 113 et 129.