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importance ; l’autre, au sommet d’une hauteur escarpée domine et protége Kerki, la ville frontière. L’Oxus qui les sépare est à peu près deux fois aussi large que le Danube entre Ofen et Perth. Les bateliers furent assez humains et assez courtois pour ne réclamer de nous aucun salaire.

Kerki, forteresse frontière et qui, du côté d’Hérat est en quelque sorte la clef du Bokhara, est protégée par un double système de fortifications. La ville qui s’étale autour de la forteresse compte cent cinquante maisons, trois mosquées, un petit bazar et un Karavansérail ; elle est également protégée par un rempart en bon état doublé d’un fossé profond. Les habitants sont Ozbegs et Turkomans, quelques-uns adonnés au commerce, la plupart s’occupant d’agriculture. La province de Kerkhi s’étend depuis les environs de Chardjury jusqu’au gué de Hadji-Salih (qu’on nomme à tort Haja-Salu) sur les bords de l’Oxus au point où aboutissent les canaux dérivés de ce fleuve. Le pays est habité par les Turkomans Ersari qui se soumettent à certaines taxes envers l’émir, mais uniquement pour qu’il les protége contre les hostilités des autres tribus.


Le kolburi ou la poursuite de la fiancée chez les Turkomans[1] d’après Vambéry.

J’appris à mon grand regret que Mollah Zemant, le chef de la caravane à destination d’Hérat, n’arriverait pas avant huit ou dix jours. Il me parut alors plus opportun de consacrer ce temps à voyager chez les Turkomans que de rester à Kerkhi.

J’allai avec Mollah Ishak visiter les tribus Kizil-Ayak et Hasan-Menekli chez lesquels étaient des mollahs qui nous avaient vus à Bokhara, moi et quelques-uns de mes amis. Les Turkomans Ersari ne reconnaissent la suprématie de l’émir que depuis une quarantaine d’années, et ne sont plus qu’à demi nomades, la grande majorité cultive la terre.

On me conduisit aux ruines de l’ancienne Belkh, — la « mère des cités » comme disent les Orientaux, — et qui couvraient jadis un espace de cinq lieues. Maintenant quelques monticules indiquent seuls le site de l’antique Bactres et les ruines modernes n’ont rien de remarquable, si ce n’est une mosquée à moitié démolie ; au moyen âge en effet Belk était la capitale de la civilisation mahométane et on l’appelait Kubbet-Ut-Islam (le dôme d’Islam). Je n’y ai pas trouvé, malgré mes recherches, la moindre inscription cunéiforme. Il est hors de doute que des fouilles pratiquées en cet endroit auraient des résultats fort curieux ; mais il n’y faudrait pas songer à moins de lettres du souverain conçues dans les termes les plus péremptoires et appuyées par deux ou trois mille baïonnettes européennes.

La Belkh moderne, envisagée comme le siége principal de la puissance afghane dans le Turkestan, est occupée par le Serdar et les troupes qu’il a sous ses ordres ; mais il n’y réside que l’hiver.

Après d’ennuyeux retards nous apprîmes enfin que la caravane d’Hérat allait arriver. Je m’empressai de retourner à Kerkhi.

Le contrôle des ballots de marchandises, des hommes,

  1. Le kolburi ou « le renard vert » est un usage que l’on retrouve chez tous les nomades de l’Asie centrale. La fiancée, vêtue de ses plus beaux habits, monte à cheval et tient devant elle un agneau ou une chèvre. Le fiancé et les autres jeunes gens de la noce la poursuivent au galop et cherchent à lui enlever l’animal.