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LE TOUR DU MONDE
NOUVEAU JOURNAL DES VOYAGES.





Navires pris dans les glaces (Spitzberg). — Dessin de V. Foulquier d’après Cleveley jeune.


LE SPITZBERG,


PAR M. CHARLES MARTINS.


1838-1839. — TEXTE INÉDIT[1]




Placé sous le méridien de l’Europe centrale et de la presqu’île scandinave, entre 76° 30′ et 80° 50′ de latitude, le Spitzberg est pour ainsi dire la sentinelle avancée de notre continent vers le nord. C’est dans ces îles où l’hiver règne pendant dix mois de l’année que la vie organique s’éteint faute de chaleur et de lumière ; c’est là que le naturaliste recueille les dernières plantes et observe les derniers animaux ; c’est la limite extrême de la Faune et de la Flore européennes. Au delà tout est mort, et une banquise de glaces éternelles s’étend jusqu’au pôle boréal. Au Spitzberg lui-même, les neiges ne fondent que sur le bord de la mer, dans des localités privilégiées. Mais les montagnes restent toujours blanches, même pendant les trois mois de l’été. Toutes les vallées sont comblées par de puissants glaciers qui descendent jusqu’à la mer ; aussi ces îles sont-elles l’image fidèle de l’époque géologique qui a précédé immédiatement celle où nous vivons, l’époque glaciaire. Pendant cette période, un manteau de glace couvrait tout le nord de l’Europe jusqu’au cinquante-troisième degré de latitude, toutes les vallées des chaînes de montagnes, telles que les Vosges, le Jura, les Alpes, les Pyrénées, les Carpathes, le Caucase, l’Hymalaya et même celles de la Nouvelle-Zélande, étaient occupées par des glaciers qui s’étendaient plus ou moins loin dans les plaines voisines. Le Spitzberg réalise donc à nos yeux l’image d’une phase géologique dont les traces se rencontrent presque partout. Le petit nombre d’animaux et de végétaux qui habitent ces îles sont ceux qui résistent le mieux au froid et réclament le moins de cette chaleur solaire, source de la vie des êtres organisés. Sous ce double point de vue, le tableau physique de cette portion des terres arctiques tracé par un voyageur qui l’a vu à deux reprises différentes, et complété par l’étude des explorations anciennes et modernes, mérite d’être exposé devant le public éclairé qui s’intéresse à la des-

  1. Les modèles de la plupart des dessins, joints à ce texte, se trouvent dans le bel atlas des Voyages en Scandinavie et au Spitzberg de la corvette la Recherche, publié par M. Arthus Bertrand. Paris, rue Hautefeuille.