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REVUE GÉOGRAPHIQUE,


1865


(PREMIER SEMESTRE)


PAR M. VIVIEN DE SAINT-MARTIN.


TEXTE INÉDIT.


Une recrudescence d’études bibliques. Les récentes explorations en Palestine. M. le duc de Luynes. — Récentes informations sur l’intérieur de la Péninsule arabe. Publication du Dr Wetzstein. Une grande découverte physique. — Excursion de M. Guarmani. Curieux voyage de M. Palgrave. L’Arabie et ses prestiges. — Les modernes explorateurs de l’Afrique et les Mittheilungen de Petermann. — Le capitaine Speke. — Plans et projets. Le baron de Decken au Kilimandjaro. Du Chaillu sous l’équateur. Le Dr Livingstone au Nyassa. MM. Mage et Quentin sur le haut Dhioliba. Gerhard Rohlf au pays des Tibbous. — Une lettre de Du Chaillu. — Projet d’une nouvelle expédition anglaise aux terres arctiques. La route du pôle. Le capitaine Osborne et le docteur Augustus Petermann. — Une séance de la Société de Géographie de Paris. — Notre position scientifique en Cochinchine.


I


On s’est beaucoup occupé de la Palestine et de la Syrie dans ces derniers temps ; depuis les mémorables explorations du professeur américain Edward Robinson, qui ont ouvert, en 1838, une ère nouvelle aux études de géographie biblique, il ne s’était pas produit un pareil mouvement scientifique dans ce coin consacré de l’Asie. Un de nos archéologues les plus profondément versés dans l’étude des inscriptions, M. Henri Waddington, — bien Français malgré son nom, — a fait il y a quatre ans un magnifique voyage dans une partie de la Syrie septentrionale à peu près inexplorée, et il en a rapporté une riche moisson qui n’est pas encore livrée à la science. L’Académie des inscriptions à tout récemment appelé dans son sein l’éminent voyageur ; c’est un choix qui honore l’Académie et auquel on ne peut qu’applaudir sincèrement. D’autres explorateurs ont sillonné la Terre sainte en diverses directions, et préparent aussi pour la publication les résultats de leurs recherches : il suffit de nommer M. de Saulcy, notre savant et spirituel académicien, M. Victor Guérin et M. de Vogüé, tous connus depuis longtemps par de bons et solides travaux, pour que l’on puisse juger de ce que la parfaite connaissance du pays, de ses populations et de ses antiquités, va devoir à cet ensemble d’études locales simultanément poursuivies par des hommes éminemment compétents.

Une autre expédition dont on attend la publication complète avec une vive impatience, est celle de M. le duc de Luynes. Organisée sur de larges bases avec la munificence éclairée dont l’illustre académicien a déjà donné tant de preuves ; composée d’hommes habiles et rompus aux observations, ingénieurs, physiciens, géologues, astronomes, et à leur tête M. de Luynes lui-même, archéologue éprouvé ; ayant étendu ses investigations sur le bassin tout entier de la mer Morte, dont le côté oriental était jusqu’à présent fort imparfaitement connu, et s’étant portée sur d’autres points non moins intéressants de l’Asie occidentale, cette belle expédition sera sûrement une des plus fructueuses de notre temps. La position de M. le duc de Luynes est exceptionnelle, sans doute ; mais elle le serait encore en dehors même d’une fortune princière, car ils seront toujours rares les hommes qui joindront à un grand nom et à une grande position l’amour ardent de la science, — non cet amour de dilettante que l’argent rend facile et qui se montre à ses heures, mais une passion active et durable qui se traduit par de profonds travaux et de nobles entreprises. Joseph Banks, dont le souvenir s’offre involontairement à la pensée quand on prononce le nom de M. de Luynes, a été pendant soixante ans l’orgueil de l’Angleterre ; la France n’a pas moins droit d’être fière du généreux instigateur de l’expédition de la mer Morte. Un pays ajoute à sa grandeur morale lorsqu’il entoure de gratitude et de respect les hommes qui l’honorent par leur savoir et leur caractère.

Après tant de belles études qui, depuis vingt-cinq ans, ont couvert tout le sud de la Syrie et le bassin de la mer Morte d’un vaste réseau d’explorations topographiques, de recherches historiques et de déterminations d’attitudes ; après l’expédition de M. de Luynes, qui a repris une partie de ces études, particulièrement au point de vue physique, et qui les a contrôlées ou vérifiées ; après une expédition anglaise presque simultanée, qui, sous la direction d’un officier de la marine royale, M. Wilson, a dû exécuter de son côté un nivellement trigonométrique depuis Jaffa jusqu’à Jérusalem, et de Jérusalem au bord de la mer Morte ; après tant de travaux, disons-nous, entourés de toutes les garanties d’exactitude que la science peut offrir, il ne semblait pas qu’une expédition nouvelle dirigée sur les mêmes points fût d’une nécessité bien urgente ; cependant il vient de se former à Londres une association, soutenue, à ce qu’il paraît, par de hauts patronages et qui a déjà réuni de puissants moyens d’action, dans le but, entre autres recherches, de mesurer à nouveau la hauteur absolue du sol de Jérusalem au-dessus de la Méditerranée et la dépression de la mer Morte au-dessous de