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La reine Victoria, parcourant ces parages avec le prince Albert, en 1846, visita le mont Saint-Michel, au retour de son excursion à Kynance Cove. L’empreinte de son pied sur le quai où elle débarqua a été moulée en bronze et conservée sur place. Les Anglais, déjà si enthousiastes de leur reine, ne pouvaient pousser la vénération plus loin : Long life to the queen, Dieu garde les jours de la reine.

Descendons du mont Saint-Michel et admirons Penzance, une ville que nous connaissons aussi. Côtoyant un rivage de roches granitiques tombant d’aplomb dans la mer, nous arrivons à Saint-Buryan et à la Pierre branlante, Logan stone, dont j’ai ailleurs raconté l’histoire. La pierre pèse près de soixante-dix mille kilogrammes et elle a dix-sept pieds de long et trente pieds de circonférence. Ce sont là autant de motifs raisonnables pour lui conserver son caractère sacré (voy. p. 392).

De Logan stone, on passe à Mill bay, un des points les plus romantiques de cette romantique côte, comme disait notre guide, aussi chaud qu’un méridional dans sa façon d’apprécier les sites de son pays. On voit dans le roc massif une ouverture, une brèche naturelle creusée de part en part et poétiquement nommée le Chant de la mer, the Song of the sea, sans doute à cause du bruit qu’y font les vagues en s’y engouffrant. Ce bruit n’a rien de fort agréable à l’oreille, et le chant des sirènes devait être bien plus doux et harmonieux, pour ceux du moins qui l’ont entendu.

Vue de Falmouth. — Dessin de Durand-Brager.

De Mill bay au cap Land’s end, il n’y a qu’une enjambée. Là se trouve Lennen, un pauvre petit village, et plus loin une maisonnette sur laquelle est écrit, du côté de la mer : « le premier hôtel d’Angleterre » ; du côté de la terre : « le dernier hôtel. » C’est, en effet, la première et la dernière maison que l’on voit, suivant que l’on part ou que l’on arrive, de ce côté bien entendu. Là est le commencement et la fin de la Grande-Bretagne ; c’est le Finistère des Anglais, et à un mille du rivage, un vieux terme marqué I semble indiquer comme point de départ de tous les milles géographiques anglais ce point assez curieusement choisi. Au fait, les Romains partaient bien de Rome pour compter les distances sur l’étendue de leur immense empire, et nous avons bien en France pris jusqu’à ces derniers temps le parvis de Notre-Dame de Paris pour le point originaire de toutes nos bornes kilométriques. Il est vrai que depuis l’invention des chemins de fer nous avons changé tout cela, comme disait Molière ; mais pourquoi les Anglais qui ont deux ou trois capitales, ne compteraient-ils pas leurs milles à partir du cap Land’s end pour ne déplaire à aucune d’elles ? Ce point de départ en vaut bien un autre.

Près le cap Land’s end est le phare de Longship, élevé sur un roc isolé de granit haut de soixante pieds ; le phare lui-même