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Plus importantes encore que les mines d’étain sont les mines de cuivre du Cornouailles. Les sept huitièmes du cuivre produit par l’Angleterre viennent de ces mines. On estime à cinq cent mille tonnes de minerai brut l’extraction annuelle. Le minerai est assez pauvre au sortir des puits d’extraction, deux et demi à trois pour cent au plus. Par la préparation mécanique on porte sa teneur en cuivre à sept ou huit pour cent. On envoie alors le minerai subir le traitement métallurgique dans les usines du pays de Galles, à Swansea, que nous allons bientôt visiter.

Le marché des minerais de cuivre a lieu à Truro et Redruth une fois par semaine. Ce jour-là les propriétaires des mines réunissent solennellement à dîner les représentants des acheteurs. Des essayeurs, agréés par les deux partis, prélèvent sur chaque tas de minerai en vente une prise d’échantillons dont ils déterminent la teneur en cuivre. Cette teneur forme le titre du tas correspondant. Chacun des acheteurs inscrit sur un morceau de papier le prix qu’il offre de chaque tas d’après son titre. Il plie et cachète son billet, ticket, d’où le nom de ticketings donné à ces marchés de minerais. On réunit et proclame toutes les offres, et chaque tas est adjugé au plus offrant des enchérisseurs. Tout cela se fait à l’anglaise, dans le plus grand calme et le plus grand silence.

La raison qui fait qu’on expédie ensuite le minerai sur le pays de Galles est que le Cornouailles ne renferme pas de charbon, et qu’il faut, par la méthode que les Anglais ont adoptée dans le traitement métallurgique du cuivre, jusqu’à seize tonnes de charbon pour obtenir une tonne de cuivre, avec du minerai à huit pour cent comme celui du Cornouailles.

Le nombre d’ouvriers employés aux mines de cuivre et d’étain est de plus de trente mille, dont les trois cinquièmes aux mines de cuivre et les deux cinquièmes aux mines d’étain. Ces ouvriers, compris sous la dénomination générale de miners, sont tous forts, vigoureux, bien nourris et capables des plus durs travaux. À l’époque de la découverte de l’or en Californie et en Australie, ils émigrèrent en masse vers ces lointains Eldorados. Dans les mines de quarz aurifère de Californie, ce sont eux qui, aujourd’hui encore, sont les mineurs les plus habiles, et nul ne songe à leur disputer la palme[1]. Dans tous les comtés aurifères le Cornish miner gagne toujours 20 et 25 francs par jour, alors que le mineur espagnol ou français se contente de la moitié. Dans le Cornouailles le salaire sans doute est loin d’être le même, mais les bons mineurs gagnent encore facilement de trois à quatre shillings (trois francs soixante quinze centimes à cinq francs) par jour de travail.

Mine de la Providence : Travail dans le filon. — Dessin de Durand-Brager d’après M. Lançon.

Ceux qui entreprennent à forfait le creusement d’un puits à tant le mètre courant sont appelés, dans la langue des mines, tutmen ; ceux qui poursuivent l’exploitation d’un filon à leurs risques et périls, moyennant un tant à recevoir (tribute) par tonne de minerai extrait, sont nommés tributers ; enfin, ceux qui poursuivent le fonçage des galeries ou l’avancement des chantiers à tant le mètre courant ou le mètre cube, sont les contractors. Les contrats se renouvellent toutes les semaines, toutes les quinzaines ou tous les mois, à l’époque de chaque paye, à la criée, et ce sont naturellement les ouvriers qui demandent le moins pour un ouvrage donné qui obtiennent la préférence.

Les ouvriers d’une même mine obéissent à des caporaux ou maîtres mineurs, leaders (on donne le même nom aux chefs de partis dans le Parlement), et tous ensemble à un capitaine. Si la mine à deux capitaines, un pour le dedans, l’autre pour le dehors, celui-ci prend le titre de grass ou ground captain, capitaine du gazon ou de la surface, l’autre s’appelle underground captain, capitaine du dedans ou du sous-sol. Le manager est l’agent général ou régisseur de la mine ; à lui incombe la partie économique, comme la partie technique au capitaine. Il a quelquefois sous ses ordres un purser ou agent comptable ; d’ordinaire il en fait lui-même les fonctions. Il commande aussi au capitaine pour la marche générale du service, et alors s’appelle volontiers le superintendent ou surintendant de la mine.

Les propriétaires de la mine ou ceux au compte des-

  1. Voy. notre Voyage en Californie (Tour du monde, t. V).