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le diable et les héros, leurs légendes dans le Cornouailles. À chaque cercle sacré, à chaque dolmen, à chaque pierre branlante s’attache un souvenir traditionnel.

Ici, c’est le cercle des filles folles (merry maiden), près Saint-Just, où des jeunes filles, pour avoir dansé un rondeau un jour de dimanche, en dépit sans doute de la défense des druides, furent changées en pierres et clouées sur place, ce qui ne valait guère mieux que si elles eussent été changées en sel comme la femme de Loth.

Puits dans le filon de la mine de la Providence. — Dessin de Durand-Brager d’après M. Lançon.

Plus loin, c’est la pierre mouvante (logan stone), que la fée Carabosse ou l’enchanteur Merlin ont déposée en passant sur un pic aigu. « Ne touchez pas à la pierre ! » vous diront les Cornishmen, comme ailleurs on dirait : « Ne touchez pas à la reine ! » En 1824, un mauvais plaisant négligea de suivre cet avis officieux, et remua la pierre plus que de raison, jusqu’à la précipiter à la mer, sans doute pour voir jusqu’où irait la limite d’amplitude de ses oscillations. Il fut solennellement condamné à la remettre en place. C’était un lieutenant de marine, et le pauvre diable n’avait pas plus d’argent qu’il ne fallait pour accomplir ce travail herculéen. La pierre pèse du reste soixante-dix mille kilogrammes ; mais il fallut s’exécuter devant le concert d’indignation universelle auquel tout le Cornouailles prit part. Antiquaires, savants, aubergistes, guides, peuple des campagnes, touristes eux-mêmes, tout le monde cria, non pas haro sur le baudet, mais haro sur le mécréant qui avait jeté la pierre branlante à la mer. Il fallut aller l’y repêcher. Ce n’était pas chose facile. On dit qu’aidé de ses hommes d’équipage, armés de leviers, le lieutenant avait fait rouler la pierre à l’eau. Plus difficile était de la remonter, et cette fois matelots et leviers n’y pou-