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d’hui. Saint Michel, qui voyageait également par là (partout où se trouve le diable, il faut que saint Michel intervienne), défia son rival en un combat singulier. Une lutte à mort s’engagea entre eux, et dans le combat le diable laissa tomber sa pierre, soit pour en assommer son ennemi, soit pour fuir plus à l’aise, car il fut vaincu comme d’habitude. C’est cette pierre qui a donné son nom à la ville sur l’emplacement de laquelle elle est tombée (Hell’s Stone, la pierre de l’enfer) ; et comme le combat eut lieu le 8 mai, ainsi que l’ont affirmé les premiers habitants de Helstone qui en furent témoins, on célèbre à cette même époque, toutes les années, des jeux scéniques, où apparaît une danse locale, réservée pour ce jour-là, en souvenir du grand saint Michel. Quant à la fameuse pierre, on la voyait encore, il y a quelques années, au coin de l’hôtel de l’Anqe (l’ange Michel probablement). Elle a depuis été brisée et employée à des usages vulgaires, à faire des murs de maison. Sic transit gloria mundi !

Une halte dans le puits des Échelles, à la mine de la Providence. — Dessin de Durand-Brager d’après M. Lançon.

Dans le Devon, ce n’est pas le diable, c’est le géant Ordulph qui fait les frais de toutes les légendes, Ordulph, né à Tavistock, et dont les os, de dimensions extraordinaires, comme il convient aux os d’un géant de sa taille, ont été retrouvés sous une tombe de marbre au milieu des ruines de l’Abbaye de Tavistock. Un poëte a dit de lui, en le faisant parler :

A giant I, earl Ordulf men me call,

« Je suis un géant, et les hommes me nomment le comte Ordulph. »

Et le héros ajoute :

« J’ai été le champion des Devoniens contre leurs ennemis. Dans chaque rencontre, j’ai tué six mille Turcs. J’ai coupé la tête d’un lion, et je l’ai mangée. Par un coup hardi, j’ai ouvert les portes d’Exeter, pour y faire entrer saint Édouard. Dans un âge avancé, visité en songe par les anges, j’ai fait bâtir une abbaye près de la rivière Tavy. »

Ce même géant Ordulph, d’après l’historien William de Malmesbury, qui sans doute l’avait connu, pouvait, d’une enjambée, traverser une rivière de dix pieds de large. Chevauchant, en compagnie d’Édouard le confesseur, il arrive un jour devant Exeter, trouve les portes de la ville fermées et le gardien absent. Soudain, il descend de cheval, saisit dans ses mains les barres de fer qui serrent l’huis, les met en pièces, et, écartant les gonds du pied, fait sauter les portes en l’air pour laisser librement entrer son roi. C’est à ce fait qu’un passage des vers que je viens de traduire fait allusion, et il faut avouer que Samson, chargeant les portes de Gaza sur ses épaules, n’avait pas mieux agi qu’Ordulph.

Les druides, les enchanteurs, les fées, ont, comme