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travaux marqués chacun d’une couleur distincte, et de larges lignes noires tombant d’à-plomb sur les galeries servaient à indiquer les puits. Le capitaine était d’autant plus fier de ces dessins que c’était son fils qui les avait faits : good man makes good maps, nous disait-il, « un bon mineur fait toujours de bons plans. »

Voulant réserver pour le Cornouailles une visite intérieure des mines, nous nous contentâmes, au grand désespoir de Bennett, qui eût désiré nous promener partout, de parcourir les travaux du dehors. Ils sont des plus remarquables et méritent toute l’attention de l’ingénieur. Çà et là se dressent les charpentes des puits recouvertes de mauvaises planches qui protégent en même temps l’orifice de la fosse béante. De loin, on dirait comme une façon de moulin hollandais. Des câbles en fil de fer roulant sur des poulies, et mis en mouvement par des roues hydrauliques, s’étendent à de longues distances. Ils sont en relation avec des pompes qui servent à l’épuisement des eaux intérieures. C’est ainsi qu’on assèche les travaux souterrains. Les roues motrices, qui, au moyen d’une manivelle, imprimaient aux câbles leur mouvement de va-et-vient, transmis par ceux-ci aux pistons des corps de pompe, sont les plus grandes qu’on puisse voir. Une de ces roues n’a pas moins de cent cinquante pieds anglais de circonférence, environ quinze mètres de diamètre, et master Bennett l’appelait lui-même avec solennité the largest water wheel in the Kingdom, « la plus grande roue hydraulique de tout le Royaume. » Le puits qu’elle dessert a onze pieds de large et deux cents fathoms (environ quatre cents mètres) de profondeur. On y descend par des échelles dont celle que Jacob vit en songe peut seule donner une idée.

À la surface, tout est vie, tout est mouvement. Là on extrait le minerai des profondeurs de la mine ; ici des wagons le roulent sur des chemins de fer jusqu’aux halles de dépôt ; des charrettes le transportent aux ateliers de triage et de cassage ; enfin il est amené sur des brouettes aux ateliers de lavage et de préparation mécanique.

Dans les ateliers de cassage établis en plein air, le travail est livré à de jeunes filles. Nous les trouvâmes toutes munies de la capote sacramentelle qui leur couvre la tête et leur protége le teint auquel elles paraissent tenir beaucoup, car il est frais et rose comme celui de toutes les jeunes anglaises. Armées d’un marteau, elles cassent le minerai. La gangue, la partie stérile, est du quartz dur, blanc, cristallin, faisant feu sous l’acier ; le minerai est de la pyrite de cuivre, plus tendre, d’un jaune d’or, mêlée aussi de pyrite de fer à la couleur moins vive, parfois un peu blanchâtre, et de blende ou sulfure de zinc au ton poisseux. Il faut séparer la pyrite de cuivre, seule partie utile et traitable, non-seulement du quartz, mais encore de la pyrite de fer et de la blende. À cet effet, on pulvérise le minerai sous des pilons verticaux, stamps, dont les flèches sont en bois et les sabots en fonte. Alignés comme des tuyaux d’orgues et par dix ou douze à la fois, ces pilons se lèvent alternativement et retombent lourdement de tout leur poids sur la matière à écraser. C’est un vacarme étourdissant. Quelquefois on leur préfère des cylindres horizontaux en fonte ou en acier, et qui, prenant le minerai entre le vide laissé entre eux, l’entraînent dans leur mouvement de rotation et le broient. Il n’en sort qu’en menus morceaux ; le grain de café ne passe pas avec plus d’aisance au moulin de nos ménagères.

Les casseuses de minerai, à Wheal Friendship. — Dessin de Durand-Brager.

Le minerai pulvérisé, sa séparation en parties d’égales grosseurs se fait dans des cribles ad hoc, puis sa division en parties d’égale densité ou de même poids dans d’autres appareils que nous ne saurions décrire ici, et qu’on nomme dans le Devonshire et le Cornouailles : jigging machines, sleeping tables, round buddle re-