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Falaises sur la Manche, entre Sidmouth et Exeter. — Dessin de Durand-Brager.


UN VOYAGE AUX MINES DU CORNOUAILLES,


PAR M. L. SIMONIN.


1862.-TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


I

DE LONDRES À PLYMOUTH.


Objet du voyage. — Précautions prises au départ. — Le guide Bradshaw. — Les assurances et les chemins de fer. — Help yourself ! — Les falaises. — Le break-water de Plymouth. — Le phare d’Eddystone. — Un peu d’histoire. — Une chambre moyen âge. — Je songe au roi Jean.

Le 4 juillet 1862, je partais de Londres en compagnie de M. D. B… et M. L… Nous allions visiter le Cornouailles et le pays de Galles.

L’art de la peinture attirait mes deux compagnons vers ces contrées qui ont gardé quelque chose de leur état primitif, et où le paysage et les hommes offrent des types également curieux, dignes d’être reproduits. Un art plus modeste, mais non moins utile, l’art des mines, m’entraînait à mon tour vers les pays classiques des métaux et du charbon.

J’avais tant de fois, sur les bancs de l’école, entendu mes maîtres parler des gisements inépuisables de cuivre et d’étain du Cornouailles, exploités depuis les premiers temps de l’histoire et fouillés aujourd’hui jusque vers la mer ; j’avais si souvent, dans des livres bien connus du mineur, et signés des noms illustres d’Élie de Beaumont, Perdonnet, Burat ou Le Play, fait connaissance avec les filons de Saint-Just ou Saint-Yves, et les usines et les houillères de Swansea, Merthyr Tydvil et Pontypool, que l’envie d’aller les voir me vint lorsque la grande exposition de 1862 m’amena comme tant d’autres à Londres. Ce pèlerinage scientifique en valait bien un autre, et résolu à profiter d’une occasion qui ne devait peut-être plus se renouveler pour moi, je ne voulus pas quitter l’Angleterre sans visiter au moins le Cornouailles et le pays de Galles. Vouloir et pouvoir sont deux, m’eût dit en ce cas Sancho, si j’eusse demandé son avis ; mais je ne le consultai pas, je partis sans soumettre ce voyage à la question préalable, et le proverbe eut tort cette fois à la barbe du plaisant mancego.

Cependant l’expérience m’avait appris qu’il est bon en Angleterre de ne pas se lancer légèrement sur les grands chemins, en d’autres termes que si l’on veut y être reçu quelque part, il est presque indispensable d’être présenté, introduit, introduced, comme disent nos formalistes voisins. Ce fut donc autant pour me conformer à cet antique usage que pour approcher des maîtres non moins célèbres que les nôtres, que j’allai, avant de me mettre en campagne, frapper discrètement à la porte du Musée de géologie pratique de Londres, auquel est annexée l’École des mines. M. Robert Hunt, archiviste de l’établissement, me fit l’accueil le plus gracieux, et soit par lui-même, soit par ses collègues, M. Percy, professeur de métallurgie, et M. Warington Smyth, professeur de minéralogie, j’obtins une bonne dose de lettres de recommandation pour le voyage que je projetais. Grâce à eux, je fus également introduit auprès de sir Roderick Murchison, l’éminent géologue que toute l’Europe connaît. L’honorable baronnet me remit sa carte sur laquelle il écrivit quelques mots en ma faveur. Muni de ce passe-port d’un nouveau genre,