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petit chêne très-touffu. Armés d’un long couteau, des ouvriers en détachent les branches que d’autres divisent en rameaux plus petits. Ces rameaux, passés dans un feu clair et légèrement grillés, sont placés sur une cage faite de bambous, et ayant de quatre à cinq mètres de hauteur. Au centre de la cage on allume un feu peu ardent que l’on entretient pendant vingt-quatre heures. Les feuilles n’exhalant plus d’humidité, sont alors descendues et étalées sur des cuirs ; on les détache des rameaux en les frappant avec un sabre de bois ; puis on les pile dans des auges ou dans des mortiers, et la poudre est enfin renfermée dans des sacs assez semblables à de gros oreillers taillés dans des peaux de bœuf ramollies, et dont le poids varie de soixante à cent vingt kilogrammes.

Le maté, nommé par quelques auteurs herbe de Saint-Barthélemy, et par d’autres encore thé des Jésuites, se présente dans le commerce sous la forme d’une poudre grossière, d’un vert clair, ayant une odeur herbacée, désagréable lorsqu’elle est fraîchement récoltée, et légèrement aromatique après plusieurs mois de préparation.

Récolte du maté sur les bords du Parana, au Paraguay. — Dessin de Fuchs

Le maté est d’un usage général en Amérique. On boit l’infusion de cette feuille aromatique au Paraguay, dans les républiques Argentines, au Chili, au Pérou, et dans les provinces brésiliennes de Rio-Grande du Sud, de Paranà et de Saint-Paul. Sur tous ces points, cette boisson est plus habituelle que le chocolat dans la Péninsule, le thé en Angleterre, et le café dans l’Europe orientale ou en Afrique.

Pour préparer le breuvage américain, on met dans un vase destiné à ce seul usage du sucre et un charbon ardent[1]. On grille un peu le sucre, puis l’on ajoute une quantité variable de poudre. On verse de l’eau très-chaude, mais non bouillante, et l’on introduit dans le vase l’extrémité arrondie en forme d’arrosoir d’un tube destiné à l’aspiration du liquide. Les habitants de la campagne, les journaliers et tous les hommes en général, prennent le maté cimarrou, c’est-à-dire sans sucre ; mais les femmes, les étrangers y ajoutent du café, du rhum, un peu d’écorce d’orange ou de citron, etc. ; d’autres enfin remplacent l’eau par du lait.

Ou boit le maté à toute heure de la journée ; c’est la première chose que fait un Sud-Américain, le plus ordinairement avant de quitter son lit ou son hamac. Réconforté par sa liqueur favorite, il monte à cheval, vaque à ses affaires et attend sans impatience le repas du milieu du jour.

  1. Les Hispano-Américains nomment ce vase maté, et les Brésiliens culha. C’est, en général, le fruit d’une cucurbitacée. Il y en a de toutes les formes, et plus ou moins richement ornés. Quelques-uns sont en argent massif et dorés : on se hâte d’en faire honneur aux visiteurs. Le chalumeau (bombilla, en portugais bomba), est en jonc ou en métal.