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par la séquestration du pays, coupa court à l’importation des noirs ; et ceux-ci, en s’alliant avec leurs métis, et de préférence avec les femmes indiennes, afin de procurer la liberté à leur descendance, n’ont pas tardé à se fondre dans la masse de la population[1].

Un des premiers soins du gouvernement qui recueillit l’héritage du docteur Francia fut de décréter l’abolition progressive de l’esclavage : en déclarant libres les enfants à naître de parents esclaves, il donnait aux adultes le droit de se racheter pour une somme modique, interdisait leur sortie, et prohibait sévèrement toute introduction nouvelle.

L’influence de cette mesure, dont l’honneur revient aux consuls Lopez et Alonzo, a amélioré encore le sort des esclaves, déjà tolérable sous des maîtres naturellement enclins à la douceur. De nos jours, leur nombre ne dépasse pas mille individus, tous de race mixte, les nègres ayant à peu près disparu : les affranchissements le réduisent sans cesse. Lorsqu’ils sont âgés, ces malheureux obtiennent la liberté en récompense de leurs longs services, et il n’est pas rare qu’un maître affranchisse de jeunes esclaves au moment de mourir et par testament. On ne fait d’ailleurs aucune distinction entre les esclaves et les serviteurs libres, mais on préfère les noirs aux mulâtres, généralement fiers et perfides, car les Paraguayos n’ont pas encore oublié le vieux proverbe espagnol : no se fie de mula y mulata, « il faut se défier des mules et des mulâtres. »

Indiens Payaguàs. — Dessin de H. Rousseau.

Les femmes de race blanche, non moins heureusement douées que les hommes, ont le pied et la main petits, des traits réguliers, la peau fine, d’un blanc mat, et une physionomie souvent fort agréable. Une Jeune fille, vêtue du tipoy[2], avec quelques fleurs naturelles à demi cachées au milieu de sa chevelure abondante et soyeuse, est généralement une belle personne qui rappelle le type castillan, quoique son maintien niait pas cependant la noblesse un peu étudiée de celui des créoles de Buenos-Ayres (Porteñas). Mais à l’Assomption, ce vêtement national disparaît peu à peu, et fait place aux modes françaises, importées d’abord par la voie du Brésil, avant l’ouverture du Rio-Paranà au commerce.

Les femmes sont nubiles dès l’âge de dix ans. De

  1. L’enfant né d’un père esclave et d’une femme libre, a suivi de tout temps la condition de la mère. On sait aussi que les Indiens n’ont Jamais été considérés en droit, sinon toujours de fait, comme esclaves, bien que l’institution des commanderies fût, au fond, une forme de servage à peine déguisé.
  2. Chemise sans manches, faite d’une étoffe de coton souvent très-claire, et retenue à la taille par une ceinture. Le tipoy est orné en haut et en bas de broderies de laine de couleur bleue ou noire.